Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 12, trad Mardrus, 1903.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
238
les mille nuits et une nuit

hâta de retourner au hammam, et vit son mari qui continuait à se promener de long en large, en maudissant les hammams et tout ce qui s’en suit. Et, en la voyant entrer, il la héla et lui dit : « Ô vendeuse de pois chiches, dis à ma femme une telle que, si elle tarde encore de sortir, je jure Allah que je la tuerai avant ce soir, et que je ferai crouler le hammam sur sa tête ! » Et l’adolescente, riant en son âme, entra dans le vestibule du hammam, remit le voile et le panier à la vendeuse de pois chiches, et sortit aussitôt après, avec son paquet sous le bras, en mouvant ses hanches.

Or, sitôt que le kâdi, son mari, l’eut aperçue, il s’avança vers elle et cria : « Où es-tu, où es-tu ? Je t’attends ici depuis deux heures de temps ! Allons, suis-moi ! Viens, ô maligne, ô perverse ! Viens ! » Et l’adolescente, s’arrêtant de marcher, répondit : « Par Allah ! qu’as-tu ? Le nom d’Allah sur moi ! Qu’as-tu, ô homme ? Es-tu devenu subitement fou, pour faire ainsi du scandale dans la rue, toi le kâdi de la ville ? Ou bien ta maladie t’a-t-elle obstrué la raison et perverti le jugement, pour manquer d’égards en public, et dans la rue, à la fille de ton oncle ? » Et le kâdi répliqua : « Assez de paroles inutiles ! Tu diras ce que tu voudras à la maison ! Suis-moi ! » Et il se mit à marcher devant elle, en gesticulant, en criant et en épanchant sa bile au dehors, sans toutefois s’adresser directement à son épouse, qui le suivait silencieusement, à dix pas de distance.

Et lorsqu’ils furent arrivés à leur maison, le kâdi enferma son épouse dans la chambre du haut, et alla quérir le cheikh du quartier et quatre té-