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le diwân des facéties… (le kâdi et l’ânon)
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moins légaux, ainsi que tous ceux qu’il put rencontrer en fait de voisins. Et il les amena tous dans la chambre au coffre, où se trouvait enfermée son épouse, et où il voulait qu’ils fussent témoins de ce qui allait arriver.

Lorsque le kâdi et tous ceux qui l’accompagnaient furent entrés dans la chambre, ils virent la jeune femme, encore couverte de ses voiles, qui s’était retirée tout au fond, dans un coin, et qui se parlait à elle-même mais de manière à être entendue de tous. Et elle disait : « Ô notre calamité ! hélas ! hélas ! mon. pauvre époux ! Cette indisposition l’a rendu fou ! Certainement il faut qu’il soit devenu tout à fait fou, pour me couvrir ainsi d’injures, et pour introduire, dans le harem, des hommes étrangers ! Ô notre calamité ! Des étrangers, dans notre harem, qui vont me regarder ! Hélas ! hélas ! il est fou, complètement fou ! »

Et, en effet, le kâdi était dans un tel état de fureur, de jaunisse et de surexcitation qu’il avait tout l’air, avec sa barbe qui tremblait et ses yeux qui flamboyaient, d’être atteint de fièvre chaude et de délire. Aussi, quelques-uns de ceux qui l’accompagnaient cherchaient-ils à le calmer et lui conseillaient de rentrer en lui-même ; mais leurs paroles ne faisaient que l’exciter davantage, et il leur criait : « Entrez ! entrez ! N’écoutez pas la coquine ! Ne vous laissez pas attendrir par les doléances de la perfide ! Vous allez voir ! Vous allez voir I C’est son dernier jour ! C’est l’heure de la justice ! Entrez ! Entrez ! »

Or, lorsque tout le monde fut entré, le kâdi ferma la porte et se dirigea vers le coffre aux matelas, et