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les mille nuits et une nuit

en enleva le couvercle ! Et voici que le petit ânon sortit sa tête, agita ses oreilles, regarda tout le monde avec ses grands yeux noirs et doux, respira bruyamment et, soulevant sa queue et la tenant toute droite, se mit à braire, dans sa joie de revoir le jour, pour appeler sa mère.

À cette vue, le kâdi arriva à la limite extrême de la rage et de la fureur, et fut pris de convulsions et de spasmes ; et soudain il se précipita sur son épouse, cherchant à l’étrangler. Et elle se mit à crier, en courant à travers la pièce : « Par le Prophète ! il veut m’étrangler. Arrêtez le fou, ô musulmans ! À mon secours ! »

Et les assistants voyant, en effet, l’écume de la rage sur les lèvres du kâdi, ne doutèrent plus de sa folie, et s’interposèrent entre lui et son épouse, et le saisirent dans leurs bras et le maintinrent de force sur les tapis, tandis qu’il articulait des mots inintelligibles, et cherchait à leur échapper pour tuer sa femme. Et le cheikh du quartier, extrêmement affecté de voir le kâdi de la ville dans un tel état, ne put tout de même s’empêcher, en voyant sa folie furieuse, de dire aux assistants : « Il faut hélas ! le garder à vue, immobile comme il est, jusqu’à ce qu’Allah le calme et le fasse rentrer dans sa raison ! » Et tous s’exclamèrent : « Qu’Allah le guérisse ! Un homme si respectable ! Quelle mauvaise maladie ! » Et quelques-uns disaient : « Comment peut-on être jaloux d’un ânon ! » Et d’autres demandaient : « Comment cet ânon est-il entré dans ce coffre à matelas ? » Et d’autres disaient : « Hélas ! c’est lui-même qui a enfermé là-dedans cet ânon, le prenant