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les mille nuits et une nuit

ma bourse dans le puits. Et je te demande la permission d’y descendre pour la chercher. Et je remonterai ensuite chez moi par le côté qui est dans ma cour. » Et le voisin répondit ; « Il n’y a pas d’inconvénient ! Et je vais même t’éclairer, ô mon frère ! «  Mais Ahmad ne voulut pas accepter ce service, préférant descendre dans l’obscurité, pour que la lumière sortant du puits ne donnât pas l’éveil chez lui. Et, après avoir pris congé de son ami, il descendit dans le puits.

Or, les choses allèrent fort bien durant la descente ; mais quand il fallut remonter de l’autre côté, la fatalité s’y opposa d’une bien singulière façon. En effet, Ahmad avait déjà grimpé, s’aidant des bras et des jambes, jusqu’à moitié hauteur, quand la servante négresse qui venait puiser de l’eau dans le puits, entendant quelque bruit dans le trou, s’y pencha et regarda. Et elle vit cette forme noire qui se mouvait dans la demi-obscurité, et, loin de reconnaître son maître, elle fut saisie de terreur et, lâchant de ses mains la corde du seau, elle s’enfuit en criant éperdûment : « L’éfrit ! L’éfrit ! Il sort du puits, ô musulmans ! Au secours ! » Et le seau, lâché de la sorte, alla tomber de tout son poids sur la tête d’Ahmad, l’assommant à demi.

Lorsque l’éveil fut ainsi donné par la négresse, l’épouse d’Ahmad se hâta de faire évader son amoureux, et descendit dans la cour et, se penchant sur la margelle, demanda ; « Qui est dans le puits ? » Et elle reconnut alors la voix de son mari qui, malgré son accident, trouvait la force de lancer mille injures épouvantables contre le puits et