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les mille nuits et une nuit

voir ! Voilà le tuyau d’ivoire ! Il fait voir ce qu’il fait voir ! Qui l’achètera ne perdra pas ! Qui veut voir, pourra voir ! Il fait voir ce qu’il fait voir ! Voilà le tuyau d’ivoire ! »

En entendant ce cri, le prince Hassân, qui avait déjà fait un pas en avant, recula d’étonnement et, se tournant vers le marchand contre la boutique duquel il était adossé, il lui dit : « Par Allah sur toi ! ô mon maître, dis-moi si cet homme qui crie ce petit tuyau d’ivoire, à un prix si exorbitant, à l’esprit sain ou s’il a perdu tout bon sens, ou s’il agit de la sorte par jeu seulement ? » Et le maître de la boutique répondit ; « Par Allah, ô mon maître, je puis te certifier que cet homme est le plus honnête et le plus sage de nos crieurs ; et c’est lui que les marchands emploient le plus souvent, à cause de la confiance qu’il leur inspire, et parce qu’il est le plus ancien dans le métier ! Et je réponds de son bon sens, à moins qu’il ne l’ait perdu depuis ce matin ; mais je ne crois pas ! Il faut donc que ce tuyau vaille les trente mille dinars et même davantage, pour qu’il le crie à ce prix-là ! Et il doit les valoir par quelque endroit qui ne parait pas ! D’ailleurs, si tu le désires, je vais l’appeler ; et tu l’interrogeras toi-même ! Je te prie donc de monter t’asseoir dans ma boutique, et de te reposer un moment. »

Et le prince Hassân accepta l’offre obligeante du marchand ; et, dès qu’il se fut assis, le crieur s’approcha de la boutique, ayant été appelé par son nom. Et le marchand lui dit : « Ô crieur un tel, le seigneur marchand que voici est bien étonné de t’entendre crier à trois mille bourses ce petit tuyau d’ivoire ;