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les mille nuits et une nuit

n’avait été pour rien du tout dans ma vie. Mais elle devait bientôt y faire son apparition. Et, avec elle, dans ma vie devait entrer la complication.

En effet, je dois me hâter de te dire, ô mon seigneur, que mon protecteur m’avait dit, dès le premier jour : « Sache, ô mon chéri, qu’il est défendu à tous les chambellans des douze chambres, de même qu’à tous les dignitaires du palais, officiers et gardes, de se promener la nuit dans les jardins du palais après une certaine heure. Car, à partir de cette heure, les jardins sont réservés aux seules femmes du harem, afin qu’elles puissent y venir respirer l’air et causer entre elles. Et si quelqu’un, pour son malheur, est surpris dans le jardin, à cette heure-là, il risque sa tête. » Et moi, je m’étais bien promis de ne jamais courir ce risque-là.

Or, un soir, la fraîcheur aidant et la douceur de l’air, je me laissai gagner par le sommeil, sur un banc des jardins. Et je ne sais combien de temps je demeurai assoupi. Et, dans mon sommeil, j’entendais des voix de femmes qui disaient : « Ô ! c’est un ange ! c’est un ange ! c’est un ange ! Ô ! qu’il est beau ! qu’il est beau ! qu’il est beau ! » Et je me réveillai soudain. Et je ne vis rien que l’obscurité. Et je compris que je venais de faire un rêve. Et je compris également que si j’étais surpris à cette heure dans les jardins, je risquais fort de perdre ma tête, malgré tout l’intérêt que j’inspirais au roi et à son vizir. Et, affolé à cette idée, je me levai vivement sur mes deux pieds pour courir au palais avant qu’on m’eût aperçu en ces lieux prohibés. Mais voici qu’une voix de femme sortit tout à coup de l’ombre