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les mille nuits et une nuit

intérieurement de prononcer la formule de l’exorcisme : « Je me réfugie en Allah le Très-Haut contre le Lapidé ! » Et elle se dit : « Certes ! je ne vais pas montrer que je me suis aperçue de la présence de cet être étrange. Je continuerai plutôt à jouer, et il arrivera ce qu’Allah veut ! » Et, sans s’arrêter dans son jeu, elle eut la force de continuer l’air commencé, mais ses doigts tremblaient sur l’instrument.

Et voici qu’au bout d’une heure de temps le cheikh danseur s’arrêta de danser, s’approcha de Tohfa, et embrassa la terre entre ses mains, disant : « Tu as excellé, ô la plus exaltée de l’Orient et de l’Occident ! Puisse le monde n’être jamais privé de ta vue et de tes perfections ! Ô Tohfa, ô Chef-d’œuvre des Cœurs, ne me connais-tu pas ? » Et elle s’écria : « Non, par Allah ! je ne te connais pas ! Mais je pense bien que tu es un genni du pays de Gennistân. Éloigné soit le Malin ! » Et il répondit, en souriant : « Tu dis vrai, ô Tohfa. Je suis le chef de toutes les tribus du Gennistân, je suis Éblis ! » Et Tohfa s’écria : « Le nom d’Allah sur moi et autour de moi ! Je me réfugie en Allah ! » Mais Éblis lui prit la main, la baisa et la porta à ses lèvres et à son front, et dit : « Ne crains rien, ô Tohfa, car depuis longtemps tu es ma protégée et la bien-aimée de la jeune reine des genn, Kamariya, qui est pour la beauté, entre les filles des genn, ce que tu es toi-même parmi les filles d’Adam. Sache, en effet, que, depuis bien longtemps, je viens avec elle te rendre visite, toutes les nuits, sans que tu t’en doutes, et t’admirer sans que tu le saches. Car notre charmante reine Kama-