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les lucarnes… (le poète doreïd…)
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« Lâche prise, ô chien des tribus ! » Mais l’homme, sans même se retourner vers son agresseur, dit à sa dame : « Dirige-toi, mon amie, vers nos tentes les plus proches d’ici. » Puis, soudain, il fut en face de son adversaire, et lui cria ces vers :

« N’as-tu pas vu, ô tête sans yeux, tes frères qui se débattent dans leurs caillots ? Et ne sens-tu pas déjà passer sur ton visage le souffle de la Mère des Vautours ?

Que penses-tu recevoir du cavalier au visage renfrogné, sinon le cadeau d’un superbe coup de lance qui t’habille les reins d’une couche de sang d’un beau noir de corbeau ? »

Et, ce disant, il pointa le cavalier de Doreïd, et le culbuta dès la première passe, la poitrine percée d’outre en outre. Mais, en même temps, sa lance se brisa de la violence du choc. Et Rabiah, — car c’était lui-même, ce cavalier des gorges et des ravins — se sachant déjà proche de sa tribu, ne voulut même pas se baisser pour ramasser l’arme de son ennemi. Et il continua sa route, n’ayant pour toute arme que le bois brisé de sa lance.

Or Doreïd, sur ces entrefaites, étonné de ne voir revenir aucun de ses cavaliers, partit lui-même à la découverte. Et il rencontra, étalés sur le sable, les corps sans vie de ses compagnons. Et soudain il vit apparaître, au détour d’un monticule, Rabiah lui-même, son ennemi, avec son arme dérisoire. Et, de son côté, Rabiah reconnut Doreïd, et regretta, en son âme, devant un tel adversaire, l’imprudence qu’il