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les mille nuits et une nuit

server de ses dents ces beaux poissons, et de les mettre en sécurité dans un coin de la chambre, en ne laissant sur la nappe que ces tout petits poissons-ci. Et quand il aura dévoré les petits, comme il n’aura plus rien à avaler, il s’en ira, et nous nous régalerons avec les gros poissons. » Et, à la hâte, on mit de côté les gros poissons.

Et donc Tofaïl entra et, souriant et plein d’aisance, il jeta le salam à tout le monde. Et, après le bismillah, il tendit la main vers le plateau. Mais voilà ! il ne contenait que du fretin de mauvais aspect. Et les convives, enchantés de leur bon tour, lui dirent : « Hé ! maître Tofaïl, que penses-tu de ces poissons-là ? Tu n’as pas l’air de trouver le plat, tout à fait à ton goût. » Il répondit : « Moi, il y a longtemps que je suis en mauvais termes avec la famille des poissons, et je suis en grande fureur contre eux. Car mon pauvre père, qui est mort par noyade dans la mer, a été mangé par eux. » Et les convives lui dirent : « Fort bien, voici donc pour toi une excellente occasion de prendre le talion de ton père, en mangeant ces petits-là à ton tour. » Et Tofaïl répondit : « Vous avez raison. Mais attendez. » Et il saisit un des petits poissons et se l’approcha tout contre l’oreille. Et son œil de parasite avait déjà avisé le plateau relégué dans le coin et qui contenait les gros poissons. Et donc, après avoir eu l’air d’écouter attentivement le petit poisson frit, il s’écria tout d’un coup : « Hé là ! hé là ! Savez-vous ce que vient de me dire ce petit bout de fretin-là ? » Et les convives répondirent : « Non, par Allah ! Comment le saurions-nous ? » Et Tofaïl dit : « Eh bien ! sachez alors qu’il m’a dit ceci :