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les mille nuits et une nuit

pas, et pour lequel il éprouvait même une grande aversion. Toutefois il avait bien spécifié qu’à la mort d’Al-Hadi, le successeur immédiat devait être le cadet, Haroun Al-Rachid, son fils préféré, et non le fils aîné d’Al-Hadi.

Mais quand Al-Hadi fut proclamé émir des Croyants, il surveilla avec une jalousie et une suspicion croissantes son frère Haroun Al-Rachid ; et il fit tout ce qu’il put pour frustrer Haroun du droit de succession. Mais la mère de Haroun, la sagace et dévouée Khaïzarân, ne cessa de déjouer toutes les intrigues dirigées contre son fils. Aussi Al-Hadi finit-il par la détester à l’égal de son frère ; et il les confondit tous les deux dans la même réprobation. Et il n’attendait qu’une occasion pour les faire disparaître.

Or, sur ces entrefaites, Al-Hadi était un jour assis dans ses jardins, sous une riche coupole soutenue par huit colonnes, qui avait quatre entrées dont chacune regardait un des points du ciel. Et à ses pieds était assise sa belle esclave favorite Ghâder, qu’il ne possédait que depuis quarante jours. Et là se trouvait également le musicien Ishâk ben Ibrahim, de Mossoul. Et la favorite, en ce moment, chantait accompagnée sur le luth par Ishâk lui-même. Et le khalifat s’agitait de plaisir et frémissait des pieds, à la limite du transport et de l’enthousiasme. Et, au dehors, la nuit tombait ; et la lune montait entre les arbres ; et l’eau courait en jasant à travers les ombres entrecoupées, tandis que la brise lui répondait doucement.

Et soudain le khalifat, changeant de visage, s’as-