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les lucarnes… (ishâk de mossoul…)
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de son grand-père. Il est accueillant, et il est doué d’une fort belle voix. »

Alors moi, voulant expérimenter sa méthode et me remettre en mémoire les chants, anciens qui avaient enchanté mes jeunes années, je me montrai plein de prévenances pour le Hedjazien ; et, après une amicale causerie sur différentes choses, je lui dis : « Ô très noble cheikh, peux-tu, je te prie, me rappeler combien de chants a composés ton grand-père, l’illustre Maâbad, honneur du Hedjaz ? » Et il me répondit : « Soixante, pas un de plus, pas un de moins ! » Et je lui demandai ; « Serait-ce peser trop lourdement sur ta patience que de te prier de me dire quel est, de ces soixante chants, celui que tu aimes le mieux, soit à cause de sa mesure, soit pour d’autres motifs ? » Et il me répondit : « Sans conteste, et à tous égards, c’est le chant quarante-troisième qui commence par ce vers :

» Ô beauté du cou de ma Molaïkah ! ma Molaïkah à la belle poitrine ! »

Et, comme si la simple récitation de ce vers avait eu la vertu d’exciter en lui l’inspiration, il prit soudain le luth de ma main, et, après un très léger prélude d’accords, il chanta la cantilène en question d’une voix merveilleuse, et rendit le sentiment de cette musique nouvelle et si ancienne avec un art, un charme, une grâce et une émotion inexprimables. Et, de l’entendre, je tressaillais de plaisir, j’étais ébloui, hors de moi, à la limite de l’enthousiasme. Et, comme j’étais sûr de ma facilité à retenir