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la tendre histoire du prince jasmin…
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… Et, ayant ainsi parlé, le vieux derviche respira longuement, puis ajouta : « Mais je dois te dire, ô source de la sympathie, que cette jeune fille asile de l’amour a le foie grillé de tristesse ; et une montagne de chagrin est sur son cœur. Et la cause en est à un songe qu’elle eut, une nuit, dans son sommeil. Et je l’ai quittée douloureuse, et désolée comme le sumbul. » Puis il dit : « Et maintenant que mes paroles ont été pour ton cœur la semence de l’amour, qu’Allah te sauvegarde et te conduise vers celle qui est dans ton destin. Ouassalam ! »

Et, ayant ainsi parlé, le derviche se leva et s’en alla en sa voie.

Et le cœur du prince Jasmin, par la seule audition de ce discours, fut ensanglanté ; et la flèche de l’amour le pénétra ; et, comme Majnoun amoureux de Leila, il déchira ses vêtements depuis le cou jusqu’à la ceinture ; et, pris dans les cheveux bouclés de la charmante Amande, il jeta cris et soupirs ; et, abandonnant son troupeau, il s’en alla errant, ivre sans vin, agité, silencieux, anéanti dans le tourbillon de l’amour. Car, si le bouclier de la sagesse garantit de toutes les blessures, il est sans vertu contre l’arc de l’amour. Et la médecine de l’avis et des conseils n’avait plus désormais de prise sur l’esprit de l’affligé par pur sentiment. Et voilà pour le prince Jasmin.

Mais pour ce qui est de la princesse Amande, voici.

Une nuit, comme elle dormait sur la terrasse du palais de son père, elle vit se manifester à elle, dans un songe envoyé par les genn de l’amour, un adolescent plus beau que l’amant de Suleika, et qui