Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 16, trad Mardrus, 1904.djvu/41

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{{nr|histoire du gâteau échevelé…

… Or, entre autres afflictions éprouvées par ce Job de la patience, voici ce qui lui arriva.

Son épouse vint, en effet, le trouver un jour, — qu’Allah éloigne de nous de pareils jours ! — et lui dit : « Ô Mârouf, je veux que, cette nuit, en rentrant à la maison, tu m’apportes un gâteau de kenafa échevelée au miel d’abeilles. » Et Mârouf, ce pauvre, répondit : « Ô fille de l’oncle, si Allah le Généreux veut bien m’aider à gagner l’argent nécessaire pour l’achat de cette kenafa au miel d’abeilles, certes ! je te l’achèterai, sur ma tête et mon œil. Car aujourd’hui, par le Prophète ! — sur Lui la prière et la paix ! — je n’ai point encore sur moi la moindre monnaie. Mais Allah est miséricordieux, et Il nous rendra aisées les choses difficiles. » Et la mégère s’écria : « Que parles-tu de l’intervention d’Allah en ta faveur ? Penses-tu donc que je vais attendre, pour satisfaire mon envie de ce gâteau, que la bénédiction te vienne ou ne te vienne pas ? Non, par ma vie ! je ne m’arrange pas de cette façon de parler. Que tu gagnes ou que tu ne gagnes pas ta journée, il me faut une once de kenafa échevelée au miel d’abeilles ; et, en un aucun cas, je ne consentirai à faire rentrer insatisfaite l’une quelconque de mes envies ! Et si, pour ton malheur, tu reviens à la maison, ce soir, sans la kenafa, je rendrai ta nuit aussi noire sur ta tête que la destinée qui t’a livré entre mes mains. » Et l’infortuné Mârouf soupira : « Allah est le Clément, le Généreux ; et en Lui seul est mon recours ! » Et le pauvre sortit de sa maison, et le chagrin et l’affliction lui suintaient de la peau du front.