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les mille nuits et une nuit

le fellah dit : « Sois le bienvenu, ô visage de lait, et fais-moi la grâce de descendre chez moi et d’accepter mon hospitalité. » Et Mârouf, qui vit tout de suite qu’il avait affaire à un homme généreux, jeta un coup d’œil sur la pauvre habitation qui était à proximité, et constata qu’elle ne contenait rien de ce qui pouvait le nourrir et le désaltérer. Et il dit au fellah : « Ô mon frère, je ne vois rien dans ta maison que tu puisses offrir à un hôte affamé comme moi. Comment donc feras-tu si j’accepte ton invitation ? » Et le fellah répondit : « Le bien d’Allah ne manque pas ; il est tout trouvé. Descends seulement de cheval, ô mon maître, et laisse-moi te soigner et t’héberger, pour Allah. Le village est tout proche, et j’aurai vite fait d’y courir de toute la vitesse de mes jambes, et de t’en rapporter ce qu’il faut pour te restaurer et te rendre content. Et je ne manquerai pas non plus d’apporter le fourrage et le grain pour la nourriture de ton cheval. » Et Mârouf, pris de scrupule, et ne voulant pas déranger ce pauvre homme et l’arracher à son travail, lui répondit : « Mais puisque le village est tout proche, ô mon frère, j’aurai bien plus vite fait que toi d’y courir à cheval, et d’acheter au souk tout ce qu’il faut, pour moi et pour mon cheval. » Mais le fellah, qui ne pouvait se résoudre, dans sa générosité native, à laisser partir ainsi, sans lui donner l’hospitalité, un étranger de la voie d’Allah, reprit : « De quel souk parles-tu, ô mon maître ? Est-ce qu’un misérable petit village comme le nôtre, dont les maisons sont bâties en bouse de vache, possède un souk ou quoi que ce soit qui, de près ou de loin, ressemble à un souk ? Nous