Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 16, trad Mardrus, 1904.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire du gâteau échevelé…
75

n’avons guère d’affaires de vente ou d’achat ; et chacun vit sur le peu qu’il possède. Je te supplie donc, par Allah et par le Prophète béni, de descendre chez moi, pour m’obliger et faire plaisir à mon esprit et à mon cœur. Et j’irai vite au village et je reviendrai plus vite encore. » Alors Mârouf, voyant qu’il ne pouvait refuser l’offre de ce pauvre fellah sans le peiner et le chagriner, descendit de cheval, et alla s’asseoir à l’entrée de la hutte en bouse séchée, tandis que le fellah, aussitôt, livrant ses jambes au vent dans la direction du village, ne tarda pas à disparaître dans le loin.

Et, en attendant qu’il revînt avec les provisions, Mârouf se mit à réfléchir et à se dire : « Voici que j’ai été une cause de tracas et d’embarras pour ce pauvre, à qui je ressemblais tellement quand je n’étais qu’un misérable savetier-raccommodeur ! Mais, par Allah ! je veux réparer, autant qu’il est en mon pouvoir, le dommage que je lui cause en le laissant quitter ainsi son ouvrage. Et, pour commencer, je vais m’essayer, sur-le-champ, à labourer à sa place, et à lui faire regagner de la sorte le temps qu’il perd pour moi. »

Et il se leva, à l’heure et à l’instant, et, vêtu de ses habits dorés de mamelouk royal, il prit en main la charrue et fit avancer la paire de bœufs, dans la ligne du sillon déjà tracé. Mais à peine avait-il fait faire quelques pas aux bœufs, que le soc de la charrue s’arrêta soudain, avec un bruit singulier, contre quelque chose qui fit résistance ; et les bœufs, entraînés par leur effort, tombèrent sur leurs jambes de devant. Et Mârouf, donnant de la voix, fit se rele-