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histoire de sindbad le marin (5e voyage)
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courir de joie et arrivai de la sorte sur le rivage, à l’endroit même où m’avait jeté la mer, lors du naufrage de mon navire. La destinée voulut que, juste à ce moment, des matelots se trouvassent là, débarqués d’un navire à l’ancre, pour chercher de l’eau et des fruits. Ils furent, en me voyant, à la limite de l’étonnement, et vinrent m’entourer et m’interroger, après les salams de part et d’autre. Et moi je leur racontai ce qui venait de m’arriver, comment j’avais fait naufrage et comment j’avais été réduit à l’état de perpétuelle bête de somme par le vieillard que j’avais fini par tuer.

Au récit de mon histoire, les matelots furent stupéfaits et s’écrièrent : « Quelle chose prodigieuse que tu aies pu échapper à ce cheikh, connu de tous les navigateurs sous le nom de Vieillard de la mer ! Tu es le premier qu’il n’ait pas étranglé ; car il a toujours étouffé entre ses cuisses tous ceux dont il était parvenu à se rendre maître. Béni soit Allah qui t’en a délivré ! »

Après quoi, ils m’emmenèrent à leur navire où leur capitaine me reçut cordialement et me donna des vêtements pour couvrir ma nudité ; et, après m’avoir fait raconter mon aventure, il me félicita de ma délivrance, et remit à la voile.

Après plusieurs jours et plusieurs nuits de navigation, nous entrâmes dans la rade d’une ville aux maisons bien bâties et donnant sur la mer. Cette ville s’appelait la Ville des Singes, à cause de la quantité prodigieuse de singes qui habitaient les arbres d’alentour.

Je descendis à terre avec l’un des marchands du