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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 6, trad Mardrus, 1901.djvu/190

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les mille nuits et une nuit

faire d’autres désormais ; car non seulement mon âge ne me permettait plus les expéditions lointaines, mais vraiment je n’avais plus guère le désir de tenter de nouvelles aventures après tous les dangers courus et les maux éprouvés. D’ailleurs, j’étais devenu l’homme le plus riche de Baghdad, et le khalifat me faisait souvent appeler auprès de lui pour entendre de ma bouche le récit des choses extraordinaires que j’avais vues durant mes voyages.

Un jour que le khalifat m’avait fait venir, selon son habitude, je me disposais à lui raconter une ou deux ou trois de mes aventures, quand il me dit : « Sindbad, il faut aller auprès du roi de Serendib lui porter ma réponse et les cadeaux que je lui destine. Nul ne connaît comme toi la route qui conduit à ce royaume dont le roi sera certainement fort content de te revoir ! Prépare-toi donc à partir aujourd’hui même ; car il ne serait pas bienséant pour nous d’être redevables au roi de cette île, ni digne de nous de différer davantage notre réponse et notre envoi ! »

À ces paroles du khalifat, le monde noircit devant mon visage, et je fus à la limite de la perplexité et de la surprise. Pourtant je parvins à maîtriser mes sentiments, pour ne point déplaire au khalifat ; et, bien que j’eusse fait vœu de ne jamais plus sortir de Baghdad, j’embrassai la terre entre les mains du khalifat et répondis par l’ouïe et l’obéissance. Alors il me fit donner dix mille dinars d’or pour mes frais de voyage, et me remit une lettre écrite de sa main et les cadeaux destinés au roi de Serendib.

Et voici en quoi consistaient ces cadeaux. Il y avait d’abord un magnifique lit complet de velours cra-