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les mille nuits et une nuit

finirent par s’attrouper et le suivre, en lui disant de bonnes paroles ; si bien que le vizir Giafar Al-Barmaki, qui passait par là pour se rendre au palais où l’appelait une affaire de première importance, l’aperçut qui tantôt pleurait et tantôt se lamentait, s’approcha et lui dit : « C’est toi, Abou-Nowas ? Quel crime as-tu donc commis pour être châtié de la sorte ! » Il répondit : « Par Allah ! je n’ai pas commis même l’odeur d’un crime ! J’ai tout simplement récité quelques-uns de mes plus beaux vers devant le khalifat qui, par manière de gratitude, m’a loti de ses plus beaux vêtements ! »

Le khalifat, qui à ce moment précis se trouvait tout près, caché derrière une portière d’un des pavillons, entendit la réponse d’Abou-Nowas et ne put s’empêcher d’éclater de rire. Il pardonna à Abou-Nowas, lui fit don d’une robe d’honneur et d’une grosse somme d’argent et continua, comme par le passé, à en faire son compagnon inséparable dans ses moments de mauvaise humeur.


— Lorsque Schahrazade eut fini de raconter cette aventure du poète Abou-Nowas, la petite Doniazade, qui était prise d’un rire silencieux qu’elle étouffait vainement sur le tapis où elle était blottie, courut à sa sœur et lui dit : « Par Allah ! ma sœur Schahrazade, que cette histoire est amusante et comme Abou-Nowas déguisé en âne devait être drôle à regarder ! Tu serais si gentille de nous dire encore quelque chose à son sujet ! »

Mais le roi Schahriar s’écria : « Je n’aime pas du tout cet Abou-Nowas là ! Si tu tiens absolument à avoir la tête coupée sur l’heure, tu n’as qu’à continuer le récit