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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 6, trad Mardrus, 1901.djvu/95

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histoire de sindbad le marin (1er voyage)
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fûmes projetés à quelques pieds au-dessus du sol. Et, au même moment, nous vîmes apparaître à l’avant du navire le capitaine qui, d’une voix terrible et avec des gestes effrayants, nous cria : « Ô passagers, sauvez-vous ! Hâtez-vous ! Remontez vite à bord ! Lâchez tout ! Abandonnez vos effets à terre et sauvez vos âmes ! Fuyez l’abîme qui vous attend ! Courez vite ! Car l’île sur laquelle vous vous trouvez n’est point une île ! C’est une baleine gigantesque ! Elle a élu domicile au milieu de cette mer, depuis les temps de l’antiquité ; et les arbres ont poussé sur son dos, grâce au sable marin ! Vous l’avez réveillée, de son sommeil ! Vous avez troublé son repos et dérangé ses sensations en allumant du feu sur son dos ! Et la voici qui bouge ! Sauvez-vous, ou elle va s’enfoncer dans la mer qui vous engloutira sans retour ! Sauvez-vous ! Lâchez tout ! Je m’en vais ! »

À ces paroles du capitaine, les passagers épouvantés lâchèrent là leurs effets, vêtements, ustensiles et fourneaux et prirent leur course vers le navire qui déjà levait l’ancre. Quelques-uns purent l’atteindre juste à temps ; les autres ne le purent pas. Car la baleine était déjà en mouvement et, après quelques sauts effrayants, s’enfonçait dans la mer avec tous ceux qui se trouvaient sur son dos, et les flots qui se choquaient et s’entrechoquaient se refermaient sur elle et sur eux à tout jamais.

Or, moi, je fus du nombre de ceux qui furent abandonnés sur cette baleine-là et furent noyés !

Mais Allah Très-Haut me sauvegarda et me délivra de la noyade en me mettant sous la main une pièce de bois creuse, sorte de grand baquet qu’avaient