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Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 6, trad Mardrus, 1901.djvu/97

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histoire de sindbad le marin (1er voyage)
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j’étais insensibilisé par la fatigue et le danger couru. Je me jetai donc sur le sol de l’île à plat ventre comme un cadavre, et m’évanouis, noyé dans un abrutissement total.

Je restai dans cet état jusqu’au second jour et ne me réveillai que grâce au soleil qui tombait sur moi à pic. Je voulus me lever, mais mes pieds gonflés et endoloris me refusèrent leur secours, et je retombai sur le sol. Alors, bien attristé de l’état où je me trouvais réduit, je me mis à me traîner, tantôt en rampant sur les pieds et les mains, tantôt en marchant sur les genoux, à la recherche de quelque chose dont me nourrir. Je finis enfin par arriver au milieu d’une plaine couverte d’arbres fruitiers et arrosée par des sources à l’eau pure et excellente. Et je me reposai là durant plusieurs jours, mangeant des fruits et buvant aux sources. Aussi, mon âme ne tarda pas à se revivifier et à ranimer mon corps engourdi qui put se mouvoir plus aisément et recouvrer l’usage de ses membres, pas tout à fait cependant, car, pour marcher, je fus obligé de me confectionner une paire de béquilles dont me soutenir encore. De la sorte, je pus me promener lentement entre les arbres en rêvant et en mangeant des fruits, et passai de longs moments à admirer ce pays et à m’extasier devant l’œuvre du Tout-Puissant.

Un jour que je me promenais sur le rivage, je vis quelque chose au loin m’apparaître que je crus être une bête sauvage ou quelque monstre d’entre les monstres de la mer. Ce quelque chose m’intrigua si fort que, malgré les sentiments divers qui s’agitaient en moi, je m’en approchai, tantôt avançant et