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histoire de la reine yamlika… (le bel adolescent)
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être les maîtres de notre embarcation que le vent et le courant très fort se mirent à entraîner à la dérive, au milieu de l’obscurité grandissante, sans que nos efforts parvinssent à nous mettre dans une direction salutaire. Et nous fûmes ainsi entraînés toute la nuit, avec une rapidité effrayante, croyant à chaque instant nous fracasser contre quelque rocher à fleur d’eau ou quelque autre obstacle sur notre route forcée. Et cette course dura également toute la journée et toute la nuit suivante. Et ce ne fut que le lendemain matin que nous pûmes enfin aborder à une terre où nous avait jetés le courant.

Pendant ce temps, le roi Tigmos, mon père, avait appris notre disparition sur le fleuve, en interrogeant le mamelouk qui gardait nos chevaux. Et à cette nouvelle, il fut dans un tel désespoir qu’il éclata en sanglots, jeta sa couronne à terre, se mordit les mains de douleur, et se hâta d’envoyer de toutes parts à ma recherche des émissaires connaissant ces contrées inexplorées. Quant à ma mère, en apprenant ma disparition, elle se donna de grands coups au visage, déchira ses habits, se meurtrit la poitrine, s’arracha les cheveux, et revêtit les habits de deuil.

Pour nous, en abordant à cette terre, nous trouvâmes une belle source qui coulait sous les arbres, et un homme assis tranquillement à se rafraîchir les pieds dans l’eau. Nous le saluâmes poliment et nous lui demandâmes où nous étions. Mais l’homme, sans nous rendre notre salut, nous répondit d’une voix de fausset semblable au cri d’un corbeau ou de quelque autre oiseau de proie…