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les mille nuits et une nuit

venue, il fit semblant de dormir et, lorsque le vizir se fut retiré dans sa chambre, il monta sur la terrasse où l’attendait le cheikh qui le prit aussitôt par la main et se hâta de le conduire sur sa terrasse où étaient rangés les coupes pleines et les fruits. Ils s’assirent donc sur la natte blanche, au clair de lune, et, l’inspiration aidant et la sérénité d’une belle nuit, ils se mirent à chanter et à boire, tandis que les doux rayons de l’astre les illuminaient jusqu’à l’extase.

Pendant qu’ils passaient ainsi le temps, le vizir Badr eut l’idée, avant de se coucher, d’aller voir son jeune frère, et fut bien surpris de ne le trouver pas. Il se mit à sa recherche par toute la maison et finit par monter sur la terrasse et s’approcher du mur bas de séparation : il vit alors son frère et le cheikh, la coupe à la main, assis à chanter l’un à côté de l’autre. Mais le cheikh également avait eu le temps de le voir s’avancer de loin et, avec un à propos admirable, il interrompit la chanson qu’il disait pour, sans changer de ton, improviser aussitôt sur le même mode ces vers qu’il chanta :

« Il me fait boire un vin mêlé à la salive de sa bouche ; et le rubis de la coupe brille sur ses joues que colore à la fois la pourpre de la pudeur.

Mais quel nom lui donnerais-je ? Son frère s’appelle déjà la Pleine-Lune de la Religion, et d’ailleurs nous éclaire comme la lune en ce moment. Je l’appellerai donc la Pleine-Lune de la Beauté ! »

Lorsque le vizir Badreddîn eut entendu ces vers