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histoire de la ville d’airain
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L’émir Moussa fut excessivement ému en entendant ces paroles, que traduisait le vénérable Abdossamad, et murmura : « Il n’y a d’autre Dieu qu’Allah ! » Puis il dit : « Entrons ! » et, suivi de ses compagnons, il franchit le seuil de la porte principale, et pénétra dans le palais.

Devant eux surgissait, au milieu du vol muet des grands oiseaux noirs, dans sa haute nudité de granit, une tour dont le sommet se perdait au regard, et au pied de laquelle s’alignaient en rond quatre rangées de cent sépulcres qui entouraient un monumental sarcophage de cristal poli autour duquel se lisait cette inscription, gravée en caractères ioniens, avec des lettres d’or rehaussées de pierreries :

L’ivresse de la jouissance est passée comme le délire des fièvres.

De combien d’événements n’ai-je pas été témoin ?

De quelle brillante renommée n’ai-je pas joui durant les jours de ma gloire ?

Combien de capitales n’ont-elles pas retenti du sabot sonore de mon cheval ?

Que de villes n’ai-je pas saccagées comme le simoun destructeur ? Que d’empires n’ai-je pas détruits comme le tonnerre ?

Que de potentats n’ai-je pas traînés derrière mon char ?

Que de lois n’ai-je pas dictées à l’univers ?

Et voici !

L’ivresse de ma jouissance est passée comme le délire de la fièvre, sans laisser plus de trace que l’écume sur le sable.