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les mille nuits et une nuit

un moyen fort ingénieux de se tirer d’affaire : ce moyen consistait à faire donner des leçons par les enfants qui savaient un peu lire et écrire, à ceux qui ne savaient rien du tout, pendant que lui faisait semblant de surveiller, d’approuver et de désapprouver. De cette façon, l’école prospéra et les affaires du maître prirent une tournure excellente.

Un jour qu’il tenait sa baguette à la main et faisait des yeux terribles aux malheureux petits enfants effondrés d’épouvante, une femme entra dans la salle, en tenant à la main une lettre, et se dirigea vers le maître pour le prier de la lui lire, comme il est d’usage chez les femmes qui ne savent pas lire. À sa vue, le maître d’école ne sut comment faire pour éviter une pareille épreuve, et soudain se leva en hâte pour sortir. Mais la femme le retint, en le suppliant de lui lire la lettre avant de sortir. Il répondit : « Je ne puis attendre davantage : le muezzin vient d’annoncer la prière de midi, et il faut que je me rende à la mosquée ! » Mais la femme ne voulut pas le lâcher, et lui dit : « Par Allah sur toi ! cette lettre me vient de mon époux, absent depuis cinq années, et toi seul, dans le quartier, peux me la lire ! » Et elle l’obligea à prendre la lettre.

Le maître d’école fut bien forcé alors de prendre la lettre ; mais il la tint à rebours, et, dans l’embarras extrême où il se trouvait, il se mit à froncer les sourcils, en regardant l’écriture, à se frapper le front, à déplacer son turban et à transpirer de peine.

À cette vue, la pauvre femme pensa : « Il n’y a plus de doute ! pour que le maître d’école devienne si agité, il doit lire de mauvaises nouvelles ! Ô cala-