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les mille nuits et une nuit

dit : « Certes, nos rencontres eussent été riches de conséquences, si leur longue durée eût pu suffire à lier les cœurs ! Mais l’émir Jobaïr m’a été infidèle sur un simple soupçon ! »

À ces paroles, ô émir des Croyants, moi je m’écriai : « Hé ! peut-on soupçonner le lys d’aimer la boue si la brise l’incline vers le sol ! Même si les soupçons de l’émir Jobaïr sont fondés, ta beauté est l’excuse vivante, ô ma maîtresse ! » Elle sourit et me dit : « Encore, ô cheikh, s’il s’était agi d’un homme ! Mais l’émir Jobaïr m’accuse d’aimer une jeune fille, celle-ci même qui est sous tes yeux, la gentille, la douce qui nous sert ! » Je m’écriai : « J’en demande pardon à Allah pour l’émir, ô ma maîtresse ! Que le Malin soit confondu ! Et comment les femmes peuvent-elles s’entr’aimer ? Mais veux-tu, du moins, me dire sur quoi l’émir a basé ses soupçons ? » Elle répondit :

« Un jour, après avoir pris mon bain dans le hammam de ma maison, je m’étais étendue sur ma couche et livrée aux mains de mon esclave favorite, cette jeune fille que voici, pour les soins de ma toilette et pour me faire peigner les cheveux. La chaleur était suffocante et mon esclave, pour me donner de la fraîcheur, avait fait glisser les grandes serviettes qui drapaient mes épaules et couvraient mes seins et s’étais mise à arranger les tresses de ma chevelure. Lorsqu’elle eut fini, elle me regarda et, m’ayant trouvée belle ainsi, elle m’entoura le cou de ses bras, et me baisa sur la joue en me disant : « Ô ma maîtresse, je voudrais être un homme pour t’aimer encore plus que je ne fais ! » Et, par mille jeux aimables, elle essayait de m’amuser, la gentille. Et voici que