Page:Le livre des mille nuits et une nuit, Tome 7, trad Mardrus, 1901.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
histoire d’ibn al-mansour
57

comme la mienne propre. Et lui-même vint bientôt me recevoir en personne.

Or moi, ô émir des Croyants, en constatant la beauté accomplie du jeune homme, je demeurai interdit, et je sentis ma raison me quitter définitivement. Et lui, en voyant que je ne bougeais pas, crut que c’était la timidité qui me retenait, et il vint vers moi en me souriant et, selon l’usage, m’embrassa ; et moi aussi je l’embrassai, et crus à ce moment embrasser le soleil, la lune et l’univers entier avec tout son contenu. Et, comme le temps était venu de nous restaurer, l’émir Jobaïr me prit par le bras et me fit m’asseoir à côté de lui sur le matelas. Et aussitôt les esclaves apportèrent devant nous la table.

C’était une table couverte de vaisselle du Khorassân, en or et en argent, et de tous les mets frits ou rôtis que le palais, le nez et les yeux pouvaient souhaiter, vraiment. Il y avait là, entre autres choses admirables, des oiseaux farcis de pistaches et de raisins, et des poissons assis sur des galettes soufflées, et surtout une salade de pourpier dont le seul aspect me remplissait d’eau la bouche. Je ne parle pas des autres choses, par exemple un merveilleux riz à la crème de buffle, où j’eusse voulu plonger ma main jusqu’au coude, ni de la confiture de carottes aux noix, que j’aime tant — ô ! celle-ci, je n’en doute pas, me fera mourir quelque jour — ni des fruits ni des boissons.

Pourtant, ô émir des Croyants, je le jure sur la noblesse de tes ancêtres ! moi je comprimai les sollicitations de mon âme, et je ne pris pas une bouchée. Au contraire ! j’attendis que mon hôte m’eût invité beaucoup à tendre la main, et je lui dis : « Par