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les mille nuits et une nuit

Allah ! j’ai fait vœu de ne toucher à aucun des mets de ton hospitalité, émir Jobaïr, avant que tu n’aies accédé à une prière qui est l’objet même de ma visite dans ta maison ! » Il me demanda : « Puis-je au moins savoir, ô mon hôte, avant de m’engager à une chose si grave et qui risque de te faire renoncer à mon hospitalité, quel est l’objet de cette visite ? » Moi, pour toute réponse, je tirai de mon sein la lettre et la lui tendis.

Il la prit, l’ouvrit et la lut. Mais aussitôt il la déchira, en jeta les morceaux à terre, les piétina et me dit : « Ya Ibn Al-Mansour ! demande-moi tout ce que tu veux, et cela te sera accordé à l’instant. Mais ne me parle pas du sujet de cette lettre, à laquelle je n’ai aucune réponse à faire ! »

Alors moi je me levai sur l’heure et voulus m’en aller ; mais il me retint en s’attachant à mes vêtements, et me supplia de rester, en me disant : « Ô mon hôte ! si tu savais le motif de mon refus, tu n’insisterais pas un instant de plus ! D’ailleurs, ne crois point que tu sois le premier auquel on aurait confié une pareille mission ! Et, si tu veux, je vais te dire exactement les paroles qu’elle t’a chargé de me répéter ! » Et aussitôt il me répéta les paroles en question, absolument comme s’il avait été là au moment où on les avait prononcées. Puis il ajouta : « Crois-moi ! ne t’occupe plus de cette affaire-là ! Et reste te reposer dans ma maison tant que le souhaitera ton âme ! »

Ces paroles me décidèrent à rester. Et je passai le reste de la journée et toute la soirée à manger, à boire et à m’entretenir avec l’émir Jobaïr. Cependant comme je n’entendais pas de chants ni de musique, je m’étonnai de constater cette exception à des usages