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les mille nuits et une nuit

Nos nuits jusqu’au matin, nos jours jusqu’au soir ! Ô passé ! Que faire contre les décrets d’un destin farouche, ô cœur brisé ! »

À peine la chanteuse eut-elle laissé expirer ces dernières plaintes, que je vis mon jeune hôte tomber évanoui en poussant un cri douloureux. Et l’esclave me dit : « Ô cheikh, c’est ta faute ! Car il y a longtemps que nous évitons de chanter devant lui, à cause de l’état d’émotion où cela le met et de l’agitation que lui procure tout poème sur l’amour ! » Et moi j’eus beaucoup de regret d’avoir été la cause d’un ennui pour mon hôte et, sur l’invitation de l’esclave, je me retirai dans ma chambre, pour ne point le gêner davantage par ma présence.

Le lendemain, au moment où je me disposais à partir et où je priais l’un des serviteurs de transmettre à son maître mes remercîments pour cette hospitalité, un esclave vint qui me remit une bourse de mille dinars de la part de l’émir, en me priant de l’accepter pour le dérangement, et en me disant qu’il était chargé de recevoir mes adieux. Alors moi, n’ayant guère réussi dans mon ambassade, je quittai la maison de Jobaïr et retournai vers celle dont j’étais l’envoyé.

En arrivant au jardin, je trouvai Sett Badr à la porte qui m’attendait, et qui, sans me donner le temps d’ouvrir la bouche, me dit : « Ya Ibn Al-Mansour, je sais que tu n’as guère réussi dans ta mission ! » Et elle me fit, point par point, le récit de tout ce qui s’était passé entre moi et l’émir Jobaïr, et si exactement que je supposai à sa solde des espions