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histoire d’ibn al-mansour
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qui lui rendaient compte de ce qui pouvait l’intéresser. Pourtant je lui demandai : « Comment se fait-il, ô ma maîtresse, que tu sois si bien informée ? Étais-tu donc là même, sans que l’on t’ait aperçue ? » Elle me dit : « Ya Ibn Al-Mansour, sache que les cœurs des amants ont les yeux qui voient ce que les autres ne peuvent soupçonner ! Mais tu n’es pour rien dans le refus, je le sais. C’est ma destinée ! » Puis elle ajouta, en levant les yeux au ciel : « Ô Seigneur, maître des cœurs, souverain des âmes, fais que désormais je sois aimée sans jamais aimer ! Fais que ce qui reste d’amour en ce cœur pour Jobaïr, soit déversé, pour son tourment, dans le cœur de Jobaïr ! Fais qu’il revienne me supplier de l’écouter, et donne-moi de le faire souffrir ! »

Après quoi, elle me remercia pour ce que j’avais voulu faire pour elle, et me donna congé. Et moi je retournai au palais de l’émir Môhammad, et de là je revins à Baghdad.

Or, l’année suivante je dus, selon mon habitude, aller de nouveau à Bassra pour mes affaires ; car je dois te dire, ô émir des Croyants, que l’émir Môhammad était mon débiteur, et je n’avais que ce moyen de voyages réguliers pour arriver à lui faire payer l’argent qu’il me devait. Or moi, le lendemain de mon arrivée, je me dis : « Par Allah ! il me faut savoir la suite de l’aventure des deux amants ! » Et je me rendis d’abord à la maison de Sett Badr.

Je trouvai la porte du jardin fermée et je fus affecté de la tristesse émanant du silence d’alentour. Je regardai alors, à travers le grillage de la porte, et, au milieu de l’allée, sous un saule aux branches en lar-