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les mille nuits et une nuit

est tienne ! » Alors moi je lui dis : « Que tous les malheurs soient loin d’ici, ô ma maîtresse ! Mais pourquoi te vois-je ainsi en habits de deuil ? » Elle répondit : « Oh ! ne m’interroge pas, Ibn Al-Mansour ! Elle est morte, la gentille ! Tu as pu voir, dans le jardin, la tombe où elle dort ! » Et elle fondit en larmes, tandis que toutes ses compagnes essayaient de la consoler.

Je crus d’abord de mon devoir de garder le silence, puis je dis : « Qu’Allah l’ait en sa miséricorde ! Et qu’en retour, sur toi-même, ô ma maîtresse, soit déversé tout l’arriéré que la vie devait encore à cette jeune fille, ta douce favorite, que tu pleures ! Car c’est certainement elle-même qui est morte ! » Elle dit : « C’est elle-même, cette pauvre ! »

Alors moi, je profitai de cet état d’attendrissement ou elle était et lui remis, l’ayant tirée de ma ceinture, la lettre. Et j’ajoutai : « De ta réponse, ô ma maîtresse, dépendra sa vie ou sa mort ! Car, en vérité, l’attente de cette réponse est la seule chose qui l’attache encore à la terre ! » Elle prit la lettre, l’ouvrit, la lut, sourit et dit : « Est-il donc maintenant arrivé à un tel état de passion, lui qui ne voulait même pas lire mes lettres autrefois ? Il m’a suffi depuis lors de garder le silence et d’user de dédain pour le voir me revenir plus enflammé que jamais ! » Moi je répondis : « Certes, tu as raison ! Oui, certes ! Tu as même le droit d’en parler avec plus d’amertume…

— À ce moment de sa narration, Schahrazade vit apparaître le matin et, discrète, se tut.