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les mille nuits et une nuit

la tasse d’un trait et la remit au porteur en y déposant un dinar d’or, comme gratification. Or le porteur, loin de se montrer satisfait d’une pareille aubaine, toisa du regard Vif-Argent et lui dit d’un ton narquois : « Bonne chance à toi, mon seigneur, bonne chance à toi ! Les petites gens sont une chose, et les grands seigneurs tout autre chose ! » À ces paroles, Ali Vif-Argent, à qui il ne fallait pas tant pour que la colère le fît éternuer, saisit le porteur d’eau par son caban, lui administra une volée de coups de poing en le secouant, lui et son outre, l’accula contre le mur de la fontaine publique de la rue Rouge, et lui cria : « Ah ! fils d’entremetteur, tu trouves qu’un dinar d’or c’est peu pour trois tasses d’eau ? Ah ! c’est bien peu ? Mais ton outre, telle quelle, vaut à peine trois pièces d’argent, et la quantité d’eau que j’ai jetée ou bue n’arrive même pas à une pinte ! » Le porteur répondit : « C’est juste, mon seigneur ! » Vif-Argent demanda : « Mais alors pourquoi m’as-tu parlé de la sorte ? Aurais-tu trouvé dans ta vie quelqu’un plus généreux que je ne le suis envers toi ? » Le porteur d’eau répondit : « Oui, par Allah ! J’ai rencontré dans ma vie quelqu’un plus généreux que toi ! Car tant que les femmes seront enceintes et engendreront des enfants, il y aura toujours sur la terre des hommes au cœur généreux ! » Vif-Argent demanda : « Et pourrais-tu me dire quel est cet homme, plus généreux que moi, que tu as rencontré ! » Le porteur d’eau répondit : « Lâche-moi d’abord, et assieds-toi là, sur la marche de la fontaine ! Et je te raconterai mon aventure qui est étrange extrêmement ! » Alors Ali Vif-Argent lâcha