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les mille nuits et une nuit

perdre courage, car l’amour de Zeinab le soutenait. Il se déguisa en charmeur de serpents et joueur de gobelets, et retourna devant la boutique de Zoraïk. Il s’assit par terre, tira de son sac trois gros serpents au cou gonflé, à la langue pointue comme un dard, et se mit à leur jouer de la flûte, en s’interrompant des fois pour faire une multitude de tours de gobelets et de passe-passe ; puis soudain, d’un mouvement brusque il lança le plus gros serpent au milieu de la boutique, aux pieds de Zoraïk qui, épouvanté, car rien ne l’épouvantait comme les serpents, s’enfuit en hurlant au fond de sa boutique. Et Vif-Argent bondit aussitôt vers la bourse et voulut l’enlever. Mais il comptait sans Zoraïk qui, malgré sa terreur, le surveillait d’un œil, et qui réussit d’abord à asséner au serpent un coup si ajusté avec un gâteau de plomb qu’il lui écrasa la tête, puis, de l’autre main, à envoyer de toutes ses forces un second gâteau à la tête de Vif-Argent, qui l’esquiva en se baissant et s’enfuit, tandis que le gâteau redoutable allait s’abattre sur une vieille femme et l’écrasait sans recours. Alors tous les gens attroupés lui crièrent : « Ya Zoraïk, cela n’est point permis, par Allah ! Il te faut absolument décrocher de là ta bourse calamiteuse, ou nous allons te l’enlever par la force ! Assez suscité de malheurs par ta méchanceté ! » Et Zoraïk répondit : « Sur ma tête ! » et il se décida, mais bien à contre-cœur, à décrocher la bourse et à aller la cacher dans sa maison, en se disant : « Ce garnement d’Ali Vif-Argent pourrait bien, sans cela, opiniâtre comme il est, s’introduire la nuit dans ma boutique et m’enlever la bourse ! »