Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/148

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clair pour moi que le court passage qui le mentionne, deux versets, ne soit pas interpolé[1]. Mais l’argument est le même s’il n’y a pas de Messie du tout. S’il n’entre nullement dans la perspective eschatologique, ce n’est pas une raison de croire que la résurrection visait son temps. Elle est universelle, et la pensée du voyant ne se porte que sur les fins ultimes. S’il n’a pas mis la résurrection après le messianisme en termes formels, tels qu’ils sont du reste dans le texte actuel, du moins ne l’a-t-il pas mise avant. Après le jugement définitif, la distinction du paradis et de l’enfer, il n’y a plus de place pour les temps messianiques. Il n’y a plus de temps, sauf que le jour du jugement lui-même dure une semaine d’années[2].

La théorie du livre de Baruch est sensiblement la même que celle d’Esdras. C’est après la description du règne du Messie, temporel, mais plantureux à miracle, que se place la fin du temps. La résurrection ne vient qu’après. Le texte la fait coïncider avec le retour du Messie, non avec son avènement[3]. Ce retour ou ce second avènement serait absolument isolé dans la littérature juive ; il est d’ailleurs exprimé en termes chrétiens ; ce ne peut être qu’une interpolation. Les âmes des justes, comme dans Esdras, étaient renfermées dans des réceptacles dont elles sortent joyeuses, parce que c’est la fin des temps. Les âmes des méchants comprennent que le temps de leur supplice et de leur perdition est arrivé.

Telle est du moins l’interprétation qui nous paraît la plus probable. Si ce texte était isolé, on devrait l’entendre autrement. L’extrême fertilité et les autres prodiges ne seraient que les préludes de l’avènement du Messie[4]. Son avènement lui-même amènerait la résurrection des morts. L’interpolateur aurait seulement ajouté deux mots, le retour dans la gloire. Alors le Messie régnerait sur le monde de l’au-delà, comme dans le livre des Paraboles d’Hénoch.

Toutefois cette conception serait peu en harmonie avec le reste du livre. A moins de supposer ici une source différente — alors que l’unité de tout le reste est assez bien établie — il faut conclure que tout

  1. vii, 28 et 29.
  2. vii, 43.
  3. xxx, Et erit post haec, cum implebitur tempus adventus Messiae et redibit (נהפוך) in gloria, tunc omnes qui dormierunt in spe eius, resurgent. 2 et erit illo tempore, aperientur promptuaria, in quibus custoditus erat numerus animarum iustorum, et exibunt, et apparebit multitudo animarum simul in uno coetu unius animi, et gaudebunt priores, et ultimae non contristabuntur ; 3 scit enim venisse tempus, de quo dictum fuit esse finem temporum. 4 animae autem impiorum, cum videbunt omnia ista, tunc magis tabescent ; 5 sciunt enim venisse supplicium eorum et advenisse perditionem eorum.
  4. xxix, 3 : … tunc incipiet revelari Messias.