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CONCLUSION SUR L’APOCALYPTIQUE


Ainsi, dans la série des systèmes eschatologiques, l’extrême variété des détails est toujours dominée par quelques idées principales.

Le jugement est la plus stable et la plus impérieuse de ces conceptions. Il est prêché depuis les origines du prophétisme, il menace le présent, il réglera définitivement l’avenir. Dès Amos il caractérise la grande intervention de Dieu pour rétablir la justice ; l’idée évolue moins en elle-même que d’après son objet, d’abord Israël et les nations, puis les justes et les pécheurs.

Le rôle du Messie est beaucoup moins déterminé ; il y a comme deux courants.

A la période asmonéenne, conformément à la tradition prophétique, le Messie sort d’Israël et fonde, avec le concours des Israélites, un royaume terrestre glorieux. A la même époque, le messianisme des apocalypses se transporte dans le ciel avec Daniel ; là se trouve déjà le Messie, qui viendra au temps marqué pour inaugurer le monde futur par le jugement. Puis, après la prise de Jérusalem, le grand jugement est reculé plus loin pour laisser au Messie le temps de descendre sur la terre et de venger les Juifs de leurs ennemis.

On pouvait bien, à propos de chaque apocalypse, signaler ce qu’y faisait le Messie ; il eût été fastidieux de répéter chaque fois ce qu’il n’y faisait pas. Et cependant si on veut comparer ces conceptions à d’autres, il n’est pas moins nécessaire de constater ce qu’elles ont en moins que ce qu’elles ont en plus. Ce côté négatif de l’action du Messie, c’est qu’elle n’est presque pas religieuse. Et cela est d’une grande conséquence. Même lorsqu’elle ne parlait que du messianisme temporel, l’ancienne prophétie lui donnait pour mission d’enseigner la justice au peuple et même aux Gentils. Cet élément traditionnel était si marqué, qu’il s’est perpétué dans le rabbinisme ; il ne se trouve pas dans les apocalypses. A plus forte raison le Messie ne procure-t-il aucune grâce aux justes, aucune miséricorde aux pécheurs ; tout au plus est-il à ceux qui souffrent un motif d’espérer la délivrance de leurs maux, au jour fixé par Dieu. Un des caractères les plus saillants de nos apocalypses, c’est l’orgueil de la vertu. On pratique