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Iehouda b. Bathyra. Nombre d’autres rabbins ont aussi donné leur avis. La controverse roulait sur les Sodomites, la génération perverse des Israélites morts dans le désert, Absalom, Achaz et les mauvais rois d’Israël, les enfants des païens et les païens eux-mêmes. Dans aucune de ces discussions il n’est fait la moindre allusion à quelqu’un des traits du règne messianique. Ceux dont il est question sont morts depuis longtemps, ou on suppose qu’ils passeront par la mort.

Il faut citer ici la belle parabole de Iokhanan b. Zakkaï, d’autant plus importante qu’elle ressemble à la parabole des vierges folles et des vierges sages.

R. Iokhanan b. Zakkaï dit : Cest la parabole d’un roi qui invita ses serviteurs à un festin, et il ne leur indiqua pas le temps. Les sages parmi eux se parèrent, et s’assirent à la porte de la maison du roi ; ils disaient : La maison du roi peut-elle manquer de quelque chose ? les malavisés allèrent à leurs affaires, disant : Peut-il y avoir un festin sans préparatifs ? Tout à coup le roi appela ses serviteurs ; les sages se réunirent devant lui, parés comme ils étaient, et les malavisés se réunirent devant lui mal mis comme ils étaient. Le roi se réjouit de l’attitude des sages, et s’irrita contre les sots. Il dit : Ceux qui sont parés pour le festin s’assiéront et mangeront et boiront ; ceux qui ne se sont pas parés pour le festin se tiendront debout et regarderont[1].

A lire cette convocation générale, cette apparition du roi appelant ensemble tous ses serviteurs, ne croirait-on pas qu’il s’agit de la manifestation du règne messianique ? Il n’en est rien cependant. Il est clair par ce qui précède qu’il ne s’agit que de la préparation de chacun à la mort. Il faut se convertir du moins un jour avant de mourir. Mais qui sait le jour de sa mort ? A quoi la Guémara répond par la parabole de R. Iokhanan b. Zakkaï, qu’il faut être toujours prêt.

Le monde à venir n’est pas nommé dans ce contexte, mais c’est bien de lui qu’il s’agit. Il est comparé à un festin qui se donne dans le palais du roi.

Si le festin n’est pas commencé, du moins le palais existe. Il y a déjà en réalité coexistence entre les deux mondes ; ils sont dès maintenant subordonnés l’un à l’autre, de sorte que, en fait, ce n’est pas le monde à venir qui viendra, mais le monde présent qui lui cédera la place et qui disparaîtra, quand le monde à venir sera devenu le monde de la vie éternelle, pour ceux qui ont vécu dans le monde présent. En d’autres termes, le monde à venir est un festin tout préparé, comme disait R. Aqiba[2]. Même comparaison de la part de R. Jacob, son élève : « Ce monde est comme un vestibule en face du monde à venir ;

  1. b. Sabbat, 153a.
  2. Aboth, iii, 16 : « tout est préparé pour le festin » והכל מתקן לסעודה