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CHAPITRE V

LES TEMPS MESSIANIQUES.


I. — PRÉAMBULES DES TEMPS MESSIANIQUES.


Le Messie était attendu comme un sauveur ; c’était donc une loi de sa destinée de paraître dans des temps calamiteux : sa gloire serait plus grande à les changer, et c’est précisément quand l’oppression se faisait plus lourde qu’on appelait plus hâtivement le Libérateur. Cette situation d’angoisse antécédente à la joie était comparée, d’après une formule déjà familière aux prophètes[1], aux douleurs de la femme au moment d’enfanter. C’est le sens de l’expression presque technique « douleur du Messie », qu’il faut entendre non comme des douleurs personnelles au Messie, mais comme celle du temps qui doit lui donner le jour[2]. Aussi supposait-on que l’épreuve durerait neuf mois, le temps d’une grossesse. Elle devait être si terrible que plusieurs préféraient renoncer à voir ce Messie, plutôt que de s’y exposer.

Un texte du Talmud peint bien les perplexités des amoras de Babylone .

Rab dit : Le fils de David ne viendra pas avant que l’empire se soit étendu sur Israël pendant neuf mois, car il est dit (Mich. v, 2) : c’est pourquoi il les livrera jusqu’à ce que celle qui doit enfanter, enfante, et le reste de ses frères se joindront aux fils d’Israël. ‘Oulla dit : Qu’il vienne, et que je ne le voie pas ; [Rabba] dit aussi : Qu’il vienne et que je ne le voie pas. R. Joseph dit : Qu’il vienne, et que je sois digne de m’asseoir à l’ombre des crottins de son âne. Abaï lui dit (en parlant de Rabba) : Pourquoi opine-

  1. Is. lxvi, 7 ; Os. xiii, 13.
  2. Exprimées ordinairement חֶבְלֵי הַמָּשִׁיחַ, mais M. Dalman a montré depuis longtemps que celle expression est moderne, apparaissant pour la première fois dans Qalir, Thariq Chanith. Les seuls endroits anciens connus b. Sanh. 98b, Chabbat 118a, Pesakhim 118a, Mekilta 58b, Midrach sur Prov. ii, 1, Ialqouṭ Chimeôni II, 132a ont חבלו של משיח, c’est-à-dire le singulier, répondant moins exactement au grec ὠδῖνες. Dans b. Kethubot 111a, on lit חבלי משיח, mais le vrai texte (l’ensemble est araméen) doit être חבלה דמשיח, ce qui revient exactement à l’expression hébraïque ancienne. On trouve aussi le sing. I Th. v, 3. La remarque de M. Dalman (Der leidende…, p. 42 et notes), qui est à retenir pour l’exactitude philologique, est d’ailleurs sans grande importance pour le sens.