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Les trois premiers hémistiches reproduisent Malachie. L’auteur attribue ensuite à Elle une fonction semblable, presque mot pour mot, à celle du Serviteur dans Isaïe[1], la restauration des tribus d’Israël. La fin est assez obscure et le texte hébreu est malheureusement lacuneux. Il nous paraît cependant certain avec M. Peters qu'il y est question de la résurrection des morts[2]. Après avoir poussé le cri classique : voir ce temps heureux et mourir ! l’auteur se corrige et affirme : « Ou plutôt nous-mêmes, qui serons morts, nous revivrons ! » C’est la foi en la résurrection qui termine la perspective, sans que le rôle d’Élie y soit autrement déterminé.

C’est très probablement de ces textes que le rabbinisme a tiré les trois fonctions dont il investit Élie. Il viendra pour restaurer Israël, pour oindre le Messie, et il aura une certaine part à la résurrection des morts, du moins selon quelques-uns.

La première fonction pouvait s’entendre de bien des manières. Mais comme le rôle d’Élie n’était que préliminaire, on lui attribuait de préférence une sorte de recensement ou de lustration des tribus d’Israël pour éliminer les non-israélites qui n’avaient pas droit au salut, et pour réintégrer dans leur droit les familles qui auraient été exclues à tort. Le texte le plus important s’exprime ainsi[3] :

R. Josué rapporte comme une tradition de R. Iokhanan ben Zakkaï qui la tenait de son maître[4], et son maître de son maître, comme une règle de droit venue avec Moïse du Sinaï, qu’Élie ne viendra pas pour déclarer [dans tous les cas] impur ou pur, pour éliminer et pour admettre, [mais seulement] pour éliminer ceux qu’on avait admis en violation du droit, et pour admettre ceux qu’on avait éliminés en violation du droit... R. Iehouda[5] dit : Pour admettre, et non pour éliminer. R. Siméon[6] dit : Pour aplanir les difficultés. Et les sages dirent : Ce n’est pas pour éliminer, ni pour admettre, mais pour faire la paix dans le monde.

Et ces sages citaient Malachie, préférant s’en tenir simplement aux termes du prophète et à leur exégèse la plus générale, qui était bien la paix. Mais cette prudente réserve eût mis un frein trop sévère à l’imagination des rabbins. L’idée de R. Siméon (ou de R. Ismaël)

  1. ולהכין שב[טי ישרא]ל et Is. xlix, 6.
  2. Le grec et le syriaque sont assez d’accord dans ce sens pour que M. N. Peters soit autorisé à restituer : אשר[י] ראך ומת [כי גם אנחנו חיה נח]יה : Beatus est, qui te videt et moritur, nam etiam nos vita vivemus, d’après le grec : καὶ γὰρ ἡμεῖς ζωῇ ζησόμεθα. L’opposition marquée par le syriaque est bien dans le contexte, aussi je préférerais : ואף כי à כי גם.
  3. ‘Eduyoth, viii, 7.
  4. Hillel l’ancien !
  5. Ben Bathyra, d’après Friedmann et Klausner (ap. Klausner, op. l., p. 60).
  6. D’après Klausner, eod. loc., R. Ismaël.