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qu’Élie viendrait résoudre les questions pendantes se rattachait à l’attente générale du grand prophète, appelé à réparer les lacunes laissées par la suspension de l’esprit prophétique. Quand Judas Macchabée dédia le Temple qui avait été profané, on mit les anciennes pierres de l’autel dans un lieu convenable, en attendant la venue d’un prophète qui dirait ce qu’il en fallait faire[1]. De pareils doutes pouvaient surgir à chaque pas, aussi ne faut-il pas s’étonner qu’on ait réservé à Élie de donner la solution de certains cas douteux, comme de trancher les questions de propriété, de choses pures ou impures, de sacrifices à offrir, voire d’interprétation des textes[2]. Comme cet office était le plus ordinairement celui des rabbins, la grande personnalité du prophète fut insensiblement rabaissée aux traits d’un casuiste rabbinique.

Cependant on n’oubliait pas l’allusion faite par Malachie au rôle d’Élie comme précurseur.

Le juif Tryphon objecte à saint Justin que le Christ, d’abord inconnu, doit être oint par Élie, qui est chargé de le révéler au monde[3]. Élie agit donc ici avant tout comme prophète ; c’est par une révélation de Dieu qu’il saura reconnaître le Christ, l’oindre et le manifester. C’est Samuel, un prophète, qui avait oint Saül en discernant dans la foule des Israélites l’élu de Dieu[4], et ensuite David. Élisée avait même chargé un de ses disciples d’oindre Jéhu, roi d’Israël[5].

Tant qu’Élie n’était pas venu, déclarait Tryphon, et il n’était pas venu de son temps, personne ne pouvait se flatter de connaître le Messie[6].

Il y avait là encore un thème fécond en développements ; nous en rencontrerons quelques-uns à propos de la préexistence du Messie.

Enfin on associait Élie à la résurrection des morts. Dans certains textes de la Michna, on lit même expressément que la résurrection a lieu par le ministère d’Élie[7], dont le nom est en bénédiction. Mais c’est la conclusion fort inattendue d’une assez longue argumentation. Le contexte suggère seulement que la résurrection des morts fait

  1. I Macch. iv, 46.
  2. Volz, p. 192 ; Klausner, p. 58 ss.
  3. Contre Tryph. c. viii : Χριστὸς δὲ, εἰ καὶ γεγένηται, καὶ ἔστι που, ἄγνωστός ἐστι, καὶ οὐδὲ αὐτός πω ἑαυτὸν ἐπίσταται, οὐδὲ ἔχει δύναμίν τινα μέχρις ἂν ἐλθὼν Ἠλίας χρίσῃ αὐτὸν, καὶ ϕανερὸν πᾶσι ποιήσῃ.
  4. I Sam. x, 1 ; xvi, 13.
  5. II Reg. ix, 1-10.
  6. Contre Tryph. c. xlix.
  7. Michna Sota, ix, 15 : ותחיית המתים בא על ידי אליהו הנביא זכור לטוב אמן ; cf. plus haut, p. 182.