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che d’un captif, est confirmée par une prédiction antérieure des plus précises. Josèphe avait annoncé que Jotapata tomberait après le quarante-septième jour, et que lui-même serait pris vivant.

On pourrait douter du caractère messianique de la promesse faite à Vespasien, parce qu’il n’est pas dit ici en termes exprès que ce sera l’accomplissement des oracles prophétiques de la nation. Or, ce serait à tort, puisque l’historien a pris soin de s’en expliquer lui-même ailleurs. Il accuse nettement ses contemporains de n’avoir pas compris que leurs prophéties nationales sur le dominateur futur visaient Vespasien. Nous aurons à revenir sur ce texte[1]. En ce moment nous constatons seulement combien peu Josèphe était enclin à représenter le messianisme sous ses couleurs vraies. S’il a essayé d’en détourner le sens en le transportant à l’empire, c’est bien la preuve qu’il ne pouvait complètement en passer sous silence l’action peut-être décisive dans les grands événements de son temps. Il ne pouvait nier l’existence de l’attente messianique, ni la regarder comme vaine ; il lui a assigné un terme de son choix, accusant les sages parmi ses compatriotes de s’être trompés.

Et cela faisait aussi partie de son système apologétique.

Le messianisme, tel qu’il l’avait vu à l’œuvre, était éminemment national et anti-romain. De ce chef, Josèphe le rendait responsable du désastre. Peut-on s’attendre après cela à ce qu’il le mette en scène comme découlant des Livres saints, comme le ressort le plus sacré de toutes les énergies ? N’est-il pas plutôt vraisemblable qu’il représentera comme des charlatans ceux qui ont remué le peuple avec cette espérance pour le lancer dans une entreprise sans autre issue possible que la ruine de Jérusalem et du Temple ? On peut se demander si Josèphe a toujours été aussi sceptique sur les résultats d’une guerre à laquelle il a d’abord pris part dans le parti national. Mais du moins, quand il écrivit ses livres, les choses lui apparurent ainsi, à la lumière des faits accomplis. Il devait donc regarder comme une folie l’application des promesses d’un empire universel à un homme de sa race, et ceux qui s’étaient servis de ce mobile pour arriver à la royauté juive comme des imposteurs, sauf à trouver lui-même une solution, en interprétant à sa façon l’oracle qu’il déclare équivoque, comme eût pu l’être une sentence de la Pythie.

  1. Bell. VI, v, 4 : « Mais ce qui les excita le plus à la guerre, ce fut un oracle équivoque semblablement trouvé dans les saintes Lettres, que vers ce temps-là quelqu’un venu de leur pays gouvernerait toute la terre. Ils le prirent pour eux, et beaucoup des sages se trompèrent sur la solution, car l’oracle visait l’empire de Vespasien, proclamé empereur en Judée ».