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relever tout à côté beaucoup d’autres appellations : Pélé (admirable), Io‘éṣ (conseiller), El gibbor (Dieu héros), etc. Mais on n’aimait pas beaucoup tout cet endroit à cause des chrétiens qui reconnaissaient dans l’Emmanuel le fils de la Vierge.

Le psaume ii imposait le titre de Fils de Dieu, de quelque façon qu’on l’entendît ; dans l’apocalypse d’Esdras Dieu disait « mon fils », en parlant du Messie[1]. Si les rabbins ont évité absolument ce nom, n’est-ce pas parce que les chrétiens le prenaient au sens propre ?


II. — NATURE DU MESSIE. PRÉEXISTENCE.


Le Messie attendu par les Pharisiens est un descendant de David, un membre de la famille humaine, distingué par des dons extraordinaires de Dieu, mais un homme, non pas un ange, ni un Dieu. Le témoignage positif de Tryphon, l’interlocuteur de saint Justin, concorde parfaitement avec tout ce qu’on trouve dans les écrits rabbiniques au temps des tannas, et avec le silence qu’ils gardent ainsi que les Psaumes de Salomon, sur toute dignité plus haute qui serait attribuée au Messie. C’est précisément pour n’avoir pas voulu reconnaître la divinité de Jésus que le judaïsme refusa en même temps de voir en lui le Sauveur.

Tryphon disait carrément, au nom de son peuple : « Nous attendons tous que le Christ sera un homme, descendu des hommes »[2].

Il y eut certainement des Juifs qui, comprenant mieux les Écritures, n’eurent pas une répugnance absolue à admettre la divinité du Messie ; ceux-là se convertirent au christianisme ; mais on sait qu’ils furent en petit nombre. La masse ne fit qu’accentuer sa négation par opposition à la nouvelle doctrine ; mais déjà les Psaumes de Salomon s’en tiennent à des dons surnaturels.

On a répandu quelque obscurité sur ce point en alléguant que les Juifs croyaient à la préexistence du Messie. Il faut faire ici plusieurs distinctions très simples. Parle-t-on d’une préexistence idéale, ou d’une préexistence réelle ?

Et dans ce second cas, le Messie existait-il avant sa naissance ou avant d’exercer son rôle de Messie ?

Il est clair que ce sont là des hypothèses tout à fait distinctes et qui n’ont pas la même portée.

Le judaïsme admettait assurément une certaine préexistence des

  1. Voir plus haut, p. 105. Il sera question plus loin du titre « Fils de l’homme » ; cf. p. 224.
  2. Καὶ γὰρ πάντες ἡμεῖς τὸν Χριστὸν ἄνθρωπον ἐξ ἀνθρώπων προσδοκῶμεν γενήσεσθαι (Dial. c. xlix).