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CHAPITRE VII

LE MESSIE SOUFFRANT ET LE MESSIE FILS DE JOSEPH.


Toute étude sur les souffrances du Messie doit distinguer ces deux termes : le Messie souffrant et le Messie fils de Joseph. Ils ont été trop longtemps confondus. On s’est habitué dans certains ouvrages de vulgarisation à dédoubler le Messie : l’un glorieux, fils de David, l’autre souffrant, fils de Joseph. Cette situation ne répond pas à l’état des textes et, par conséquent, représente très mal l’ancienne tradition juive. Le Messie fils de Joseph n’est point un Messie souffrant, c’est un Messie tué ; son rôle est un simple épisode ; nous en parlerons en son lieu, mais il n’est pour rien dans ce que nous allons dire des souffrances du Messie, du seul vrai Messie, fils de David.

Et, à propos de ces souffrances elles-mêmes, on doit toujours avoir en vue deux points distincts, les souffrances du Messie, et leur valeur expiatoire.


I. — LE MESSIE SOUFFRANT.


Les Juifs avaient-ils la notion de souffrances expiatoires, envoyées par Dieu à ceux qu’il aime, et librement acceptées par eux, offertes à Dieu par eux, pour expier les péchés des autres ?

Oui, sans aucun doute.

Le judaïsme savait, par l’histoire d’Abraham et par celle de Moïse, que l’intercession du juste est puissante auprès de Dieu. Il savait aussi par l’histoire de Job que la souffrance n’est pas toujours un châtiment, qu’elle est quelquefois l’épreuve du juste, et l’occasion d’acquérir de nouveaux mérites[1]. Il savait enfin que les mérites des justes, comme leur intercession, pouvaient être mis au service des autres. Il devait

  1. Admirable pensée dans b. Sabbath, 88b : « Ceux qui sont humiliés, sans humilier les autres, qui sont insultés et ne répondent pas, qui agissent par amour et se réjouissent des souffrances, c’est à eux que s’applique le verset (Jud. v, 31) : ceux qui aiment Dieu ressemblent au lever du soleil dans son éclat ». R. Aqiba connaissait bien le prix des souffrances ; il disait : « aimées sont les épreuves » חביבין יסורין (b. Sanh. 101a).