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COMPARAISON DE L’APOCALYPTIQUE ET DU RABBINISME


L’apocalyptique et le rabbinisme se sont développés sur le même sol ; ils ont eu des idées communes ; ils offrent des divergences. Ce sont ces rapports qu’il faudrait préciser, en distinguant ce qui regarde les fins dernières et ce qui a trait au Messie et au règne de Dieu.


FINS DERNIÈRES OU ESCHATOLOGIE TRANSCENDANTE.


Si l’on compare les apocalypses d’Esdras et de Baruch avec la doctrine rabbinique des fins dernières, on n’y trouve aucune différence appréciable. Des deux côtés, on croit à la survivance de l’âme, au mérite et au démérite, avec leur suite obligée de récompenses et de châtiments. Chacun doit rendre compte à Dieu de ses actes, et son sort sera déterminé pour toujours à la suite d’un strict jugement. Le monde de l’au-delà sera inauguré d’une façon solennelle par la résurrection des morts.

Or tout porte à croire que ces doctrines ne sont point nouvelles. Si elles ne paraissent pas encore arrêtées avec cette précision[1] avant la persécution d’Antiochus Épiphane, ou plutôt, si nous manquons de textes pour prouver leur existence, on peut les constater du moins en 40 av. J.-C. dans les psaumes de Salomon. Le livre de la Sagesse qui date environ de ce temps est une autre preuve de l’importance suprême qu’a prise aux yeux des Juifs l’existence d’outre-tombe avec ses rétributions. A partir de ce moment, personne ne peut se désintéresser de ce problème ; il est au premier rang ; on ne songe

  1. Il faudra longtemps encore citer Bossuet, autorité irréprochable pour son sens très traditionnel, afin de ne pas étonner certaines personnes par le simple exposé des faits : « la loi de Moïse ne donnait à l’homme qu’une première notion de la nature de l’âme et de sa félicité… Encore donc que les Juifs eussent dans leurs Écritures quelques promesses des félicités éternelles, et que vers le temps du Messie où elles devaient être déclarées, ils en parlassent beaucoup davantage, comme il paraît par les livres de la Sagesse et des Macchabées ; toutefois cette vérité faisait si peu un dogme formel et universel de l’ancien peuple, que les Sadducéens, sans la reconnaître, non seulement étaient admis dans la Synagogue, mais encore élevés au sacerdoce. C’est un des caractères du peuple nouveau, de poser pour fondement de la religion la foi de la vie future ; et ce devait être le fruit de la venue du Messie » (Discours sur l’histoire universelle, part. II, ch. xix), Bossuet exagère la nouveauté de la foi en la vie future, mais cette exagération n’empêche pas la légitimité du principe qu’il pose, à savoir l’évolution de la doctrine sur ce point capital.