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plus à raisonner sur les destinées futures d’Israël ou de l’humanité sans s’en préoccuper ; il n’est plus permis à personne de concevoir le temps qui suivra le grand jugement comme une époque de félicité terrestre[1], sans dire un mot de ce qui adviendra lorsque les possesseurs de cette félicité, comblés d’ans et rassasiés de biens, viendront cependant à mourir.

Beaucoup de points demeuraient encore incertains. Que devenaient les âmes en attendant la fin ? les coupables ressusciteraient-ils tous ? le lieu de la béatitude serait-il le ciel ou la terre ? La fin viendrait-elle plus ou moins tôt ? A ces questions il y avait plusieurs réponses, mais on était d’accord pour réunir devant le même tribunal les vivants et les morts, et chacun suivait ensuite sa destinée.

En présence de cette perspective qui ne tenait compte que des justes et des pécheurs, et par conséquent que du bien et du mal, accomplis dans cette vie en vue d’une autre existence, quelques docteurs ont pu n’attacher qu’une importance restreinte au messianisme, tel qu’ils le concevaient, comme une restauration du trône de David.

Ceux, au contraire, qui ont tenu à conserver l’antique tradition ont dû forcément se préoccuper de la mettre d’accord avec la pensée des fins dernières qui s’imposait absolument. Désormais en effet, un pharisien, persuadé de la valeur éternelle de la Loi, pouvait plus facilement faire abstraction du fils de David et prêcher une morale sévère, dominée par la pensée de la rétribution, qu’un voyant résoudre les problèmes de l’avenir sans tenir compte de ce qui était la vraie fin de tout. Mais la conciliation n’était pas facile. Il n’y eut à ce problème qu’une solution, la solution divine du fait de Jésus ; toutes les autres sont des tentatives avortées qui sacrifient un élément ou un autre.

Ce sont ces fausses solutions qu’il faut de nouveau passer en revue.


LE MESSIE.


L’Ancien Testament avait désigné de plusieurs manières celui qui devait être l’agent du salut à venir.

D’abord c’était Dieu lui-même. Une foule de passages — que ce n’est pas ici le lieu de citer — avaient annoncé que Dieu viendrait en personne pour sauver son peuple. Le salut d’Israël serait donc une insigne théophanie, une manifestation extraordinaire de la bonté de Dieu envers son peuple, de sa justice envers ses ennemis, de sa sainteté consumante et purifiante. D’autre part, on attendait un roi, fils de

  1. Comme par exemple dans les premiers chapitres d’Hénoch.