Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/315

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la Loi d’une façon toute passive, avait senti la difficulté et objecté à Dieu[1] :

Seigneur du monde, tu donnes en ce moment un bon prétexte aux Minim ; j’en suis étonné ! Mais Dieu lui répondit : Écris ! et que celui qui aura fantaisie de se tromper se trompe.

L’objection pourtant était au moins spécieuse, et le rabbi n’a d’autre ressource que de recourir au mystère. D’autres fois, quand il est acculé par une argumentation dont il doit accepter la méthode, il s’en tire en admettant auprès de Dieu une grande créature : le Métatrôn. Une discussion assez serrée s’engagea entre un Min et B. Idi.

Le Min dit[2] :

Il est écrit (Ex. xxiv, 1) : il dit à Moïse : Monte vers le Seigneur. Il aurait dû dire : monte auprès de moi ! — Il (R. Idi) dit : C’est le Métatrôn, dont le nom est semblable à celui de son maître. Car il est écrit (Ex. xxiii, 21) : car mon nom est en lui. — S’il en est ainsi, adore-le ! — Il est écrit (ibid.) : ne l’irrite pas, c’est-à-dire ne me confonds pas avec lui[3]. — S’il en est ainsi, pourquoi est-il écrit (dans le même verset) : il [l’ange] ne pardonnera pas vos péchés [ce qui indique bien qu’il en avait le pouvoir]. — Il lui dit : Vraiment ? nous n’en voudrions même pas pour vaguemestre, car il est écrit (Ex. xxxiii, 15) : Si ta présence ne vient pas avec nous.

Ainsi R. Idi, dont cette controverse était le chef-d’œuvre, avait consenti à rabaisser son Métatrôn, plutôt que de lui accorder le pouvoir de remettre les péchés, car c’était un privilège réservé à Dieu seul. Le judaïsme s’est replié sur lui-même et a passé sans vouloir rien entendre, du jour où il a cru compromises l’unité de Dieu et les observances de la Thora. On peut conclure de ce système qu’on appellerait aujourd’hui la conspiration du silence, que les rabbins ont délibérément tu plusieurs traits des idées messianiques qu’il nous serait utile de connaître. S’ils ont l’air tellement absorbés dans leur Loi et leurs traditions que le reste du monde ne paraît pas exister pour eux, c’est sans doute par suite de leur préoccupation exclusive de se maintenir tels qu’ils sont, mais un des moyens qu’ils emploient c’est certainement de dissimuler ce qu’ils ne veulent pas paraître savoir.

  1. Dans Ber. r. vin, p. 22d, mais attribué à R. Jonathan (nre siècle) : Tzzb T2SC nV’fli nvcb HÏT.-’I "b ION btrnznx □^“zS ns pnns OHX .TZ sbiyn. Le passage ne manque pas d’intérêt comme exemple d’inspiration passive ; par contre, dans un autre endroit, Dieu est en colère contre Salomon pour avoir écrit Prov. XXIV, 21 (11 EUFÛKÜJ P306).
  2. &. Sanh. 38b (HERFORÜJ p. 285 sst).
  3. Le Rabbi interprète nz ?’Zn dans le sens de t l :Trzn c’est un jeu de mots sur les bipliil de -|^2 « rendre amer », et de "|*>™ « échanger », •