Page:Le messianisme chez les Juifs.pdf/316

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Le Métatrôn, dont M. Herford dit très bien qu’il n’est que la réponse du rabbinisme à la doctrine du Logos et aux systèmes gnostiques[1], le Métatrôn n’était qu’un expédient sans portée. Ce à quoi on tenait surtout, c’était de maintenir l’unité absolue de Dieu contre la doctrine des deux pouvoirs[2], qui paraît bien être celle de la distinction de Dieu et du Logos. C’était là le point cardinal qui dispensait le judaïsme de toute enquête sur le messianisme de Jésus ; il lui était interdit d’avance d’adhérer à une doctrine qui compromettait le monothéisme, tel qu’il l’entendait. Ce fut aussi la pierre de scandale où il se buta.

Les chrétiens contre lesquels on discutait admettaient donc la divinité de Jésus. Si les Minim sont surtout les Nazaréens, c’est une raison de penser que saint Jérôme les jugeait mieux que saint Épiphane, en assimilant leur foi en le Christ à celle de la grande Église[3].

A cette conclusion capitale sur l’attitude de principe du judaïsme en présence de Jésus, on peut en joindre une autre sur sa tactique et sa méthode. Il ne peut pas ne pas se préoccuper beaucoup du christianisme qui grandit et lui reproche sa stérilité, l’abandon de Dieu, son impuissance, qui prétend même lui avoir dérobé le secret de ses Écritures. Il répond, l’Écriture à la main, mais il ne se soucie pas d’engager une polémique écrite. Le nom des chrétiens n’est pas prononcé. Ils sont confondus avec les autres hérétiques, les apostats, les délateurs, ou même avec les Gentils. Même dans ce vague, on n’en parle guère. C’est à peine si les traditions ont conservé le souvenir de quelques bonnes leçons infligées aux Minim par les plus savants maîtres, en particulier par R. Abahou.

Le judaïsme a donc adopté une solution radicale vis-à-vis de l’Église. Il l’a simplement ignorée. Que les Gentils fussent païens ou chrétiens, cela importait peu. On se liguait volontiers avec les païens, parce qu’ils avaient le pouvoir, et on les détestait moins, parce qu’on redoutait moins l’influence de leurs idées religieuses sur les Juifs, et c’est précisément pour empêcher la pénétration qu’on préférait éviter tout

  1. A. I., [>. 287.
  2. Dans tfekilla. éd. Weiss, 45h, celle doctrine est attribuée aux peuples du monde, c’est-à-dire ici à des chrétiens de la gentilité. C’est à propos de Daniel, VIE, 9 : toi trône était des flammes de feu ; les roues en feu ardent : ”2 ïinnS ]IT>7 XTi’ ï" m’I’iU’l ^TTET nciï nblïn « pour ne Pas donner prétexte aux peuples du monde de dire qu’il y a deux pouvoirs ». On savait très bien que les chrétiens argumentaient de ta vision de la personne semblable à un homme ; on coupait court d’avance en insistant sur l’unité du trône de Dieu.
  3. M. Herford a cru reconnaître dans la christologie des Minim spécialement celle de l’épître aux Hébreux ; à vrai dire les traits distinctifs font défaut.