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Au temps de R. Josué b. Khanania, l’empire impie permit de rebâtir le sanctuaire ; alors Pappos et Loulianos (Julianus) établirent des banques depuis Acre jusqu’à Antioche, et ils fournissaient à ceux qui revenaient de la captivité de l’argent, de l’or, et tout ce qui leur était nécessaire.

Le temps de Josué b. Khanania indique bien Hadrien. L’agadiste juif regarde l’empereur comme un nouveau Cyrus, et se représente la captivité comme revenant de Babylone !

On voit ensuite les Samaritains rappeler au roi les tendances de Jérusalem à la révolte — nouvelle réminiscence du passé[1] ; — sur quoi l’empereur ordonne qu’on change l’emplacement du Temple ou qu’on le fasse plus haut ou plus bas que l’ancien. Réunis à Beth-Rimon, et prêts à se révolter, les Juifs consultent Josué qui leur répond par la fable du lion et la cigogne. La cigogne dut s’estimer heureuse de retirer son bec de la gueule du lion ; ainsi est-ce beaucoup si les Juifs conservent la paix avec l’Empire !

L’anecdote est jolie et caractérise bien les tendances normales du rabbinisme. On ne peut faire aucun fond sur le thème historique, qui est purement et simplement transposé du retour de la captivité de Babylone.

Des textes plus anciens[2] assignent à la guerre les causes les plus futiles :C’est un Juif, invité par erreur, et mal reçu, qui dénonce ses compatriotes comme refusant de sacrifier pour l’empereur ; ou bien les Romains qui molestent un cortège nuptial en tuant le coq et la poule, symboles de la fécondité des époux ; ou encore ils cassent, pour réparer un palanquin, un arbre planté à la naissance d’un enfant.

Évidemment ce n’est pas sérieux. M. Schlatter n’a pas tout à fait tort d’objecter à M. Schürer ces inepties. Si la guerre avait été causée, légitimée, par une odieuse provocation, les rabbins lui auraient-ils cherché de pareils prétextes ? Mais on pourrait rétorquer l’argument. Au temps où le Talmud a été rédigé, et sans doute beaucoup plus tôt, on ne connaissait pas l’historiette du midrach de la Genèse ; ou plutôt on ignorait complètement les vraies causes de la guerre. Il fallait bien mettre les torts du côté des Romains ; ceux qu’on allègue

    Julien battaient monnaie et qu’il faut leur attribuer les monnaies frappées au nom de Simon ! cf. la réfutation de M. Théod. Reinach dans L’histoire par les Monnaies, p. 223-231 (Extrait de la Rev. des études juives, t. XVII).

  1. Esd. iv, 11 ss.
  2. b. Guittin, 55b. De R. Iokhanan, probablement le célèbre amora, disciple de R. Iehouda le Saint :« Jérusalem a été dévastée à cause de Qamsa, et de Bar-Qamsa ; le mont royal (la Judée ?) a été dévasté à cause d’un coq et d’une poule ; Béther a été dévastée à cause d’une jambe (bâton) de palanquin ». Suivent les gloses. Ce texte est précieux à cause de la mention de Jérusalem; d’ordinaire on ne parle que de Béther.