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sont légers, une équivoque ou de simples tracasseries : on avait donc oublié les véritables, et s’ils avaient été graves, on ne les aurait pas oubliés.

Mais nous en sommes encore à examiner les raisons de M. Schlatter.

Il cite l’épître de Barnabé, document contemporain, dont l’autorité serait décisive. Le prétendu Barnabé nous apprend qu’au moment où il écrit, les Romains construisent le temple des Juifs[1].

M. Schlatter en conclut que c’est d’un commun accord, en suite des ordres d’Hadrien. Mais l’intention de l’auteur est d’être désagréable aux Juifs. Il constate leur ruine et leur réprobation. Il est donc plus vraisemblable qu’il voit dans cette reconstruction une suprême déchéance. Tout s’explique pour le mieux si le temple construit est celui de Jupiter, élevé sur les ruines du temple de Dieu.

Notons dès à présent qu’à prendre ce texte à la lettre, le Temple a été détruit par les Romains, avant d’être reconstruit. Il existait donc, rebâti probablement durant l’insurrection, et la construction du temple de Jupiter ne vint qu’après.

C’est d’ailleurs la note ordinaire des sources, et un argument en faveur de M. Schlatter. Eusèbe[2] et saint Jérôme[3] ne placent la fondation d’Aelia Capitolina qu’après la répression, et comme un moyen de la rendre plus efficace. Il n’y avait donc pas eu provocation de la part d’Hadrien.

Cependant, sur ce point, M. Schürer a l’appui très solide de Dion Cassius. Cette autorité est moins grave assurément si tout le passage ne nous est parvenu que dans l’abréviation de Xiphilin, mais elle est encore de premier ordre.

  1. Barn., c. xvi, 3. πέρας γέ τοι πάλιν λέγει· Ἰδοὺ οἱ καθελόντες τὸν ναὸν τοῦτον, αὐτοὶ αὐτὸν οἰκοδομήσουσιν (Is. xlix, 17). 4. γίνεται· διὰ γὰρ τὸ πολεμεῖν αὐτοὺς καθῃρέθη ὑπὸ τῶν ἐχθρῶν. νῦν καὶ αὐτοὶ [καὶ] οἱ τῶν ἐχθρῶν ὑπηρέται ἀνοικοδομήσουσιν αὐτόν. Avec καὶ, les Juifs et les Romains collaborent, ce qui ne pourrait s’entendre que dans le sens de M. Schlatter. Mais il renonce à soutenir l’authenticité de la copule, attestée seulement par le ms. sinaïtique, et contraire au contexte ; car, pour que la prophétie soit accomplie, il faut que le Temple soit rebâti par ceux qui l’ont détruit. Dès lors, ou ce serait un triomphe pour les Juifs — ce qui est contre l’intention de Barnabé, — ou il s’agit du temple de Jupiter, ce qui est la suprême insulte aux Juifs.
  2. H. E. iv, 6 : οὕτω δὴ τῆς πόλεως εἰς ἐρημίαν τοῦ Ἰουδαίων ἔθνους παντελῆ τε ϕθορὰν τῶν πάλαι οἰκητόρων ἐλθούσης ἐξ ἀλλοϕύλου τε γένους συνοικισθείσης, ἡ μετέπειτα συστᾶσα Ῥωμαϊκὴ πόλις τὴν ἐπωνυμίαν ἀμείψασα, εἰς τὴν τοῦ κρατοῦντος Αἰλίου Ἁδριανοῦ τιμὴν Αἰλία προσαγορεύεται.
  3. Chron. éd. Schoene, après la fin de la guerre, sur l’an 2153 d’Abraham : Aelia ab Aelio Hadriano condita… et commentaire sur Daniel : quo mortuo, transactis septem hebdomadis id est, annis quadraginta novem, Aelius Hadrianus, et quo postea de ruinis Jerusalem urbs Aelia condita est, rebellantes Judaeos, Timo (Tinio) Rufo magistro exercitus pugnante, superavit (P. L., t. XXV, c. 552).