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A Jérusalem, comme il fondait sa ville au lieu de celle qui avait été détruite, ville qu’il nomma Aelia Capitolina, et comme il bâtissait à la place du temple de Dieu un autre temple à Zeus, il s’ensuivit une guerre longue et considérable[1].

Ce texte a été mis dans une bonne lumière par l’illustre auteur de l’Histoire du peuple juif. Hadrien était en Orient en l’an 130, s’occupant partout de restaurer ou d’embellir à la grecque les anciennes cités.

Palmyre et Pétra, les deux grandes villes du désert, crurent s’honorer en prenant son nom[2]. Il était très naturel qu’il songeât à rebâtir Jérusalem. Cependant la chose n’allait pas de soi. Si la cité sainte ne fût demeurée qu’un désert ou plutôt un simple camp retranché affecté à la Xe légion, le dessein de l’empereur eût été assez naturel. Mais nous avons dit combien vite renaissent en Orient les populations exterminées et les villes rasées, et on sait avec quelle facilité les Juifs, aujourd’hui encore, viennent en foule à Jérusalem pour s’y installer malgré les mesures qui leur interdisent l’achat des terrains. L’ancienne capitale était redevenue une ville juive[3].

Hadrien a-t-il estimé qu’il transformerait Jérusalem en Aelia et remplacerait le temple de Dieu par un temple à Jupiter sans soulever toute la population juive ? Assurément ce n’était point seulement un lettré, un amateur et un sceptique. Il continuait, comme empereur, la manière autoritaire de Trajan. Mais il montra aussi dès le début son soin d’éviter les difficultés en renonçant aux conquêtes de son prédécesseur. Il est très peu vraisemblable qu’il ait provoqué les Juifs, dont la guerre de Trajan avait prouvé l’audace et la concorde.

Reste le texte. Il explique admirablement le mécontentement des Juifs. Et c’est peut-être pour cela même que Dion, qui n’écrivait guère que quatre-vingts ans après l’événement, a transposé les faits. D’ailleurs il n’a pas dû parler du temple de Dieu. Cette expression rappelle l’abréviateur chrétien du XIe siècle.

Dans cette situation, le texte allégué doit-il prévaloir sur le témoignage d’Eusèbe ?

Il est vrai qu’à la rigueur on peut les harmoniser. Hadrien aurait conçu de son cru le plan de paganiser Jérusalem. Il aurait mis la main à l’œuvre. Interrompue par l’insurrection, cette œuvre aurait été

  1. Livre lxix, éd. Boissevain, p. 232.
  2. D’autres exemples dans Schürer. Il allègue un Adrianée à Césarée d’après RB., 1895, p. 75s ., sans avoir remarqué que la traduction fautive de l’inscription de Césarée a été rétractée, p. 240 de la même année. L’Adrianée de Césarée doit être une église de saint Adrien. Ce point particulier ne change rien à l’argumentation générale.
  3. Voir plus haut, p. 303.