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de leurs tendances au rationalisme, ont associé la nature et spécialement le ciel, aux scènes qui se jouaient sur la terre, et cette tradition n’a jamais été tout à fait interrompue.

En voici quelques exemples qu’on a rencontrés tout à fait par hasard.

Lorsque le devin Théoclymène pressent la mort des prétendants à la main de Pénélope, il s’écrie :

L’antichambre et la salle sont pleines de fantômes, entraînés dans l’obscurité vers l’Erèbe ; le soleil au ciel périt, et d’affreuses ténèbres se précipitent[1].

Ce sont les nuées elles-mêmes qui expriment leur émotion dans Aristophane :

Ensuite lorsque vous avez pris pour général le corroyeur paphlagonien, ennemi des dieux, nous avons froncé les sourcils, et nous avons fait des signes terribles ; le tonnerre a crevé avec des éclairs ; la lune a quitté ses voies ; le soleil, retirant aussitôt à lui sa mèche de lampe, a déclaré qu’il ne brillerait pas pour vous, si Cléon était général[2].

Assurément ce ton léger contraste avec l’émotion intense des prophètes ou des voyants d’apocalypses, mais il n’en est que plus caractéristique.

La mort de César, comme l’antique festin de Thyeste, était un événement bien capable de contraindre le soleil à se détourner avec indignation, ainsi qu’Antoine l’affirme dans Josèphe[3].

On trouverait sans doute des exemples très nombreux de ce style chez les anciens. Ce qui est plus étonnant, c’est qu’il se soit perpétué dans les clichés des inscriptions funéraires :

Cette journée fut une calamité ; ce fut un jour de malheur et d’oppression, jour de ténèbres et d’obscurité, jour de nuage et de brouillard, jour où les cieux et leurs luminaires furent obscurcis, où ils se sont revêtus d’un cilice. Les étoiles ont pris le deuil ; les collines ont fléchi, tout Israël a été effrayé[4].

S’il ne s’agit pas ici du jugement dernier, n’est-ce pas du moins une allusion à la ruine de Jérusalem ? Point ; il s’agit de la mort du rabbin Isaac Alfasi, le 12 mai 1103, et l’épitaphe est en prose.

  1. Odyssée, xx, 355 ss.

    εἰδώλων δὲ πλέον πρόθυρον, πλείη δὲ καὶ αὐλὴ
    ἱεμένων Ἔρεϐόσδε ὑπὸ ζόϕον· ἠέλιος δὲ
    οὐρανοῦ ἐξαπόλωλε, κακὴ δʹ ἐπιδέδρομεν ἀχλύς.

  2. Nuées, 581 ss.
  3. Ant. XIV, xii, 3.
  4. Nouvelles archives des missions…, t. XIV, fasc. III. Rapport sur les inscriptions hébraïques de l’Espagne, par M. Moïse Schwab, p. 258.