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Le décès de rabbi Yôna (26 juillet 1257) ne fut pas moins calamiteux :

Fils de Sion, devant cette stèle, pleurez le soleil enfoui sous la poussière de la terre ; le firmament s’est revêtu d’obscurité, les constellations sont honteuses ; la lune rougit, au jour où a été ensevelie la gloire de la loi, son diadème[1].

Les modernes, eux, ont trouvé du plaisir à se plaindre de l’insensibilité de la nature, témoin indifférent de nos joies et de nos douleurs : le Lac de Lamartine, la Tristesse d’Olympio de Victor Hugo, un Jour simple de M. Fernand Gregh. Ce n’est pas une raison pour méconnaître une manière bien différente, qui fut celle de l’antiquité, et spécialement des Sémites palestiniens. Et cette appréciation d’un genre littéraire disparu[2] est tout à fait nécessaire pour l’intelligence des apocalypses et même des passages apocalyptiques du Nouveau Testament.


II. — DOCTRINES GÉNÉRALES DE L’APOCALYPTIQUE.


Incontestablement l’apocalyptique est un genre littéraire distinct, dont on peut analyser les conditions et qui a son originalité propre. Peut-on aussi la considérer comme constituant un corps de doctrines originales et homogènes ? Est-ce l’œuvre d’une école de philosophie religieuse, ou un simple cadre, comme le dialogue philosophique qui se prête indifféremment à toutes les thèses ? On pourrait aussi concevoir une sorte de moyen terme. Il est tel genre littéraire qui impose à celui qui le choisit une tournure d’esprit particulière, ou plutôt, celui qui le choisit est déjà porté à voir les choses sous un certain angle. Telle la satire. On n’attend pas d’elle un jugement impartial sur le bien et le mal à une époque donnée, mais plutôt une charge vigoureuse contre les vices du temps. Chacun cependant poursuivra son propre idéal en les flagellant.

Il en est ainsi de l’apocalypse. Chaque auteur avait ses doctrines particulières, et, même dans sa conception de l’avenir, il subissait l’influence de son temps ; mais le choix qu’il faisait du genre apocalyptique indiquait à lui seul les préoccupations qui dominaient sa pensée. Il avait renoncé à l’action pratique pour chercher son refuge dans l’au-delà, un au-delà qui n’était pas toujours le même que celui d’un

  1. Même endroit, p. 300.
  2. On lit dans un roman de M. Éd. Rod, auteur dont les descriptions sont assez sobres et à propos d’un chagrin d’amour : « Valentin se mit à trembler de tous ses membres : le monde s’arrêtait, le soleil s’éteignit » (Revue des Deux-Mondes, août 1895, p. 490).